Des vêtements socialement plus propres ?
Il aura fallu une catastrophe pour que le grand public prenne conscience des conditions déplorables dans lesquelles travaillent les ouvriers de la confection des pays du Sud. Il y a un peu plus de six mois, l’effondrement d’un immeuble situé à Dacca, la capitale du Bangladesh, faisait au moins 1 129 morts. Le bâtiment abritait cinq usines travaillant pour diverses marques internationales de vêtements. Des consignes d’évacuation données la veille, après l’apparition de fissures, avaient été volontairement ignorées. Ce drame humain met en lumière les dérives actuelles de l’industrie du textile. Intimidations, horaires abusifs, salaires dérisoires, répression des activités syndicales et violation du droit du travail représentent le quotidien de milliers d’ouvriers des pays pauvres, victimes de la concurrence impitoyable qui règne dans ce secteur et de sous-traitants prêts à tout pour répondre aux exigences de leurs clients. Ce drame est pourtant loin d’être isolé. Rien qu’au Bangladesh, un incendie ou un effondrement d’usine se déclare en moyenne chaque semaine ! Et l’Europe n’est pas épargnée. En Macédoine, un pays de plus en plus prisé par bon nombre d’enseignes, une travailleuse de l’habillement à temps plein gagne à peine 100 € par mois. C’est moins qu’en Chine et quatre fois moins que ce qu’il lui faudrait pour avoir une vie décente !
Un « salaire vital »
Face à cela, les ouvriers des pays concernés s’organisent cependant. Et leur mobilisation prend de plus en plus d’ampleur. Dans ce combat, l’Asia Floor Wage Alliance, qui regroupe des représentants de travailleurs indiens, cambodgiens, sri-lankais, indonésiens, innove particulièrement. Elle propose une méthode de calcul simple du salaire vital pour les travailleurs de l’habillement en Asie. La mesure se base sur les prix des denrées alimentaires nécessaires pour procurer suffisamment de calories à une famille de deux adultes et deux enfants. La somme totale est doublée afin de couvrir l’ensemble des dépenses de base. L’Asia Floor Wage va cependant plus loin dans sa démarche. Elle souhaite harmoniser les niveaux de pouvoir d’achat des différents pays de production du continent et aboutir finalement à un montant similaire d’un pays à l’autre, compte tenu des différentes devises. Appliqué partout, ce système pourrait changer la donne. Pour les clients internationaux, le niveau de salaire sortirait du champ de la concurrence. Le choix d’un fournisseur ne se ferait plus sur la pression qu’il est capable d’exercer sur les salaires, mais sur base d’autres avantages ou compétences. Ce combat n’est pourtant pas gagné d’avance. Les leaders syndicaux et les défenseurs des droits humains qui portent ces revendications sont souvent à la merci d’arrestations arbitraires, voire d’assassinats. De plus, leur action ne touche pas nécessairement les marques responsables de cette folle course au profit.
2013, année éthique Prise de conscience et timides progrès L’année 2013 aura fait avancer la cause des travailleurs du textile au Bangladesh. Sous la pression des ONG, de l’opinion internationale et des consommateurs responsables, quelques distributeurs se sont en effet engagés à renforcer leur sécurité et leurs conditions de travail. C’est ainsi que H&M, C&A, Tesco, Marks & Spencer, Carrefour, Benetton, Mango et d’autres ont signé avec la fédération syndicale internationale IndustriAll, qui représente notamment les travailleurs du textile, un accord historique sur la sécurité incendie et des usines. Il est triste qu’il ait fallu pour cela plus de 1 100 morts. Mais beaucoup d’autres entreprises n’ont pour l’instant pas manifesté les mêmes intentions, sans compter que les enseignes citées ont d’autres immenses progrès à accomplir en matière de propreté de l’environnement, cette fois. La garde-robe 100 % propre et éthique n’est pas encore pour demain. D. D. |
Appels aux citoyens
D’autres campagnes de relais ont donc vu le jour dans le monde. En Belgique, une campagne d’une durée de trois ans vient d’être lancée. Sous le slogan « Devenez achACTEURS pour un salaire vital », elle vise à encourager les consommateurs et les travailleurs à demander des comptes aux entreprises de distribution et à les inciter, sur base de questions précises et suivies, à mettre en œuvre un salaire minimum vital dans leurs filières d’approvisionnement. Une pétition-appel a également été lancée. Cette campagne est par ailleurs menée par des plateformes similaires dans dix-sept pays européens, dont la France avec le collectif Éthique sur l’étiquette qui mène actuellement une action pour faire cesser l’hécatombe dont sont victimes les travailleurs du secteur de la confection au Bangladesh.
Si s’habiller, choisir ses vêtements doit rester un acte de plaisir, de culture et d’identité, il peut aussi être un acte responsable. D’autant plus que, souvent, ce progrès va avec une plus grande qualité et moins de polluants dans les filières textiles…