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L’huître bio passe à table

L’huître bio passe à table

Jadis à Oléron, dans leurs cabanes de bois, les ostréiculteurs préparaient leurs bourriches d’huîtres pour les marchands en gros. Aujourd’hui, ces baraques colorées, repeintes avec le même pot que le bateau, servent pour la vente directe aux nombreux visiteurs de l’île. Dans celle de son grand-père, Bernard Montauzier vend, avec son épouse Sophie, ses spécialités bio : « Salicornes confites au vinaigre, au sel, à la moutarde, croûtons, pâtisserie et velouté à la salicorne, ainsi que palourdes, crevettes et huîtres… Pourquoi bio ? Car notre élevage est un vrai écosystème : le crustacé remue le sable pour chercher sa nourriture, l’huître en profite pour gober le plancton… » L’huître profite également de la certification obtenue pour les crevettes et salicornes. L'origine de ce passage en bio : « Les mortalités de 2008 nous ont incités à revenir à de petites productions, seulement 20 à 25 tonnes d’huîtres à nous deux, mais certifiées. Nous vendons le plus possible en direct, alors qu’autrefois, produire et vendre étaient deux activités séparées. »

Lorsqu’on s’étonne de ne pas apercevoir le label AB sur ses huîtres, Bernard Montauzier se justifie : « Le caractère bio est difficile à expliquer pour cette production. » Comme d’autres producteurs d’huîtres biologiques, les Montauzier sont discrets et solidaires avec leurs voisins non-bio : « On est tous sur le même bateau ». À La Rochelle, Frédéric Voisin est certifié mais ménage ses confrères : « Ce n’est pas parce que les miennes sont bio que les autres ne sont pas bonnes. » Cet ostréiculteur associe également crevettes et salicornes dans ses bassins à huîtres.

Définir la zone bio dans l’océan

Mais l'océan est-il bio? Il est plus aisé d’examiner et de certifier les aliments qu’un éleveur apporte à son troupeau que de répondre à cette question. En pleine mer, l’Ifremer* définit les zones de production de co­quilla­ges selon les analyses bactériologiques et le suivi du réseau ROCCH (Réseau d’observation de la contamination chimique). Trois classes (A, B, C) distinguent cette qualité sanitaire : A autorise la consommation humaine directe, B « possible mais avec purification préalable », et C « interdite ». Le bio est produit uniquement en classe A.

(Photos Pierrick Bourgault)

Deux règlements encadrent l’aquaculture bio : le CC FR BIO français et le 710/2009 européen. Leurs critères sont écologiques : les tables supportant les sacs d’huîtres ne doivent pas perturber le dépôt naturel des alluvions ; des « études courantologiques » déterminent l’origine de l’eau et son contenu ; des analyses traquent les micro-polluants (pesticides, métaux lourds, microbiologie…) ; les filets anti-prédateurs ne doivent pas nuire aux oiseaux ; l’huître ne peut être triploïde ; et enfin la cohabitation d’huîtres avec l’élevage de poissons ou crustacés et la culture d’algues bio – comme chez Bernard et Sophie Montauzier – est encouragée. Ecocert a certifié sa première huître dès 2002.

Problématiques d’élevage

Le plaisir de gober des huîtres ne date pas d’hier. Durant des siècles, les pêcheurs à pied ont cueilli les huîtres sauvages sur les rochers à marée basse. Les Romains en raffolaient, Louis XIV aussi. Plus rapide que la charrette, le train a développé sa consommation, en particulier à Noël. Le conseil de se limiter aux « mois en r » vient de cette époque sans réfrigération, le transport estival (de mai à août) étant risqué. Autre raison : pour se reproduire, les huîtres profitent de l’été, saison des amours, et sécrètent de la « laitance » (du sperme et des ovules) que les gourmets peuvent ne pas apprécier.

Ainsi, depuis plus d’un siècle, la demande augmente et les ressources naturelles se raréfient. L’élevage se développe donc, avec une originalité : l’éleveur ne nourrit pas ses animaux, car l’huître filtre des quantités considérables d’eau de mer (de 5 à 15 litres à l’heure) et prélève le plancton. Ce rôle de « station d’épuration » est l’une des raisons pour laquelle la religion juive interdit la consommation de ce « poisson sans écailles ». À l’inverse, on peut affirmer que l’huître est un concentré d’énergie, d’oligo-éléments, de vitamines et de minéraux marins. Mais tout dépend bien sûr de la qualité de l’eau.

Comme d’autres élevages, en fait de fortes densités d’individus identiques, l’ostréiculture connaît ses fléaux. Les huîtres d’aujourd’hui ne sont pas les descendantes de celles que gobait Louis XIV. Les plates furent ainsi remplacées par les portugaises, qui ont disparu en 1970 et laissé place à l’espèce Crassostrea gigas, dite japonaise. Entre les cabanes bariolées, les langues se délient. Pour expliquer les dernières mortalités, certains ostréiculteurs accusent un « ratage » biologique de l’huître triploïde mise au point par l’Ifremer*. L’organisme public de recherches étant à la fois juge et partie, conclure sera difficile. 

 

* Ifremer : Institut français de 
recherches pour l’exploitation de la mer. 
www.ifremer.fr

 

Dégustation 100 % Oléron : avec un verre de Péchapié bio!

À Oléron, le vigneron Pascal Favre a choisi de produire bio, « non par marketing car je vendais bien mon vin », ni pour le consommateur : « Il est informé et libre de ses choix. » Alors, pourquoi ? « Pour respecter la santé de mes salariés, et les huîtres de mes voisins – il y a en effet des soupçons liés aux pesticides. Le vin n’est pas nécessaire, ce n’est ni un aliment ni un médicament, juste du plaisir, cela ne vaut pas la peine de faire courir des risques à autrui. » Blanc sec et aromatique, son Péchapié assemble colombard et sauvignon et s’accorde joliment avec les huîtres. Autre spécialité locale d’Oléron : le pineau des Charentes.

 

À lire sur notre site : Huîtres d'été : gare aux triploïdes!

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