Un sou qui tombe plus juste
« Crowdfunder » est jubilatoire à chaque fois. C’est stylé d’ouvrir son compte Paypal pour le documentaire « Demain » de Mélanie Laurent ! Sur Bulb inTown,on nourrit la cagnotte deTPE qui relancent des commerces de proximité. Et voilà comment on change le monde! Que dire quand on participe à un projet de nettoyage des océans (Ocean Cleanup Fondation)...
On est combien à jubiler comme ça derrière nos écrans en se félicitant de pouvoir donner corps à des idées qu’on aurait eues ? L’an dernier, 650 000 Français ont joué les donateurs d’une pichenette sur leur clavier.
Du fast-good locavore à la création de souliers sur-mesure en passant par le spectacle de quartier, les librairies à faire renaître et même les enquêtes de journalistes, plus rien d’innovant n’échappe aujourd’hui aux applaudissements sonnants et trébuchants que permet l’investissement participatif. Si bien qu’en juin, le gouvernement a publié une ordonnance afin d’encadrer cette alternative à la finance traditionnelle qui, le même mois, a eu droit à sa grande Connected Conference (un événement international régulier dédié aux start-up) à Paris.Vive le parrainage proximal ! la micro-économie ! le business solidaire !
Derrière ces grands « oui » à des projets novateurs, je vois pourtant un grand « non » à une économie qui nous oblige de plus en plus à contribuer financièrement à des services insatisfaisants ou, pire, qui ne nous seront jamais utiles. Quand je lâche un sou pour l’ouverture d’un commerce de bouche ou pour laréalisation d’un film qui traduira ce que je pense, je ne le donne pas aux grandes entreprises qui margent dans les supermarchés, ni aux blockbusters de propagande américaine. C’estl’indépendance qu’on soutient. À l’image des circuits courts qui fleurissent sur le territoire – le local, le bio, l’éthique et le juste. Bref, tout ce que les multinationales et les États,dans nos esprits, n’ont plus. On microfinance comme on pétitionne.Le restaurant bio strasbourgeois Pur etc. a ainsi levé 200 000 € en 2012. En Normandie, l’entreprise Alternoo qui se propose de créer le premier drive de produits frais etbio a réuni 85 % des fonds nécessaires en trois semaines. Le projetéditorial du collectif de journalistes « Enquêtes ouvertes » sur lesdécharges publiques, un sujet qui sent bon la nécessité d’une invesigation indépendante... n’est pas contributif que d’un point de vue financier : les citoyens, mi-enquêteurs, mi-lanceurs d’alerte, participent à la recherche de l’information.
Pour ces projets qui changent le monde, les souscripteurs se mobilisent plus par besoin de reprendre le pouvoir sur leur vie que par élan caritatif. Pas près de leurs sous, les donateurs veulent être proches de ce qu’ils financent. Notre pays est d’ailleurs champion d’Europe en matière de finances participatives. Un hasard ? Les Français ne sont pas tant solidaires que révoltés à l’idée de donner leurs deniers en échange de biens de consommation qui ne répondent pas à leurs attentes. Ou d’initiatives publiques loin de leurs préoccupations... Ça fait tellement plus de bien de soutenir une action à laquelle on adhère !