« Demain » sur les écrans
Demain est sorti en salles mercredi 2 décembre. Réalisateurs : Mélanie Laurent, actrice, et Cyril Dion, cofondateur du mouvement Colibris et directeur de la rédaction du magazine Kaizen. Ils ont topé à l'été 2012 pour se lancer dans ce projet, financé grâce à la plateforme participative Kisskissbankbank.com.
Leur film montre sous un angle original et nouveau des initiatives déjà connues à travers le monde : les Incroyables comestibles, la ferme du Bec Hellouin, les potagers urbains de Détroit ou le parc d’éoliennes offshore de Middelgrunden, au large de Copenhague. C'est à ce titre une magistrale enquête. C’est aussi un film par la qualité des images, soignées par Alexandre Léglise (L'Héritage, Le Dernier, clips "Sucrer les fraises" de La Grande Sophie, "ER" de Nameless...). Un film qui fait rire, pleurer, qui bluffe et emporte dans son rythme particulier.
L’émotion ne remplace pas le sujet, elle l’accompagne. Car la réalisation ne tombe dans aucun des travers qu’on peut parfois reprocher aux documentaires du genre : l’idéologie, la morale, le trop-plein d’émotions, le militantisme gratuit. Justement, "Demain" ne s’apparente à aucun genre particulier si ce n’est de porter la caméra cœur au poing sur ce qui sonne beau, vrai et juste dans le monde tel qu’il peut changer. Le jugement et les a priori s’évanouissent devant les résultats : tant d’énergie éolienne produite au Danemark, tant de fermes approvisionnées en compost à San Francisco, tant d’hectares cultivés en légumes bio au milieu des friches industrielles de Detroit, tel rendement au mètre carré pour la permaculture en Normandie...
La voix de Frederika Stahl
La promenade des trentenaires dans le vent, dont une Mélanie Laurent plus vraie que nature, ouvre les sentiers de l’espoir à coup de prises de vues bien vues, de questions qui s’effacent devant les témoignages et de moments pris sur le vif. Parfois délicieux, comme ce dialogue entre une « incroyable » jardinière et un policier britannique conquis par l'impromptu potager né devant son commissariat.
Autre signature qui apporte sa qualité au film, la chanteuse suédoise Frédérika Stahl, qui signe une magnifique bande originale, dont 19 morceaux exclusifs. Classe.
La caméra est à la fois présente et discrète, pour laisser les acteurs raconter, expliquer. Ils se livrent avec une aisance joyeuse : Emmanuel Druon, PDG de Pocheco, qui fait le tour du propriétaire dans son entreprise lilloise, en pointe dans l'économie circulaire, Rob Hopkins, initiateur du mouvement des villes en transition, filmé brandissant la monnaie locale de sa ville (le Totnes Pound), Jeremy Rifkin, le théoricien de la troisième révolution industrielle, Olivier De Schutter, Pierre Rabhi, écrivain amoureux de la terre. "Demain" touche sans piéger, fait rire sans moquer, explique sans point nous lasser.
La nature comme enseignante
Derrière le factuel des initiatives filmées, c’est un autre rapport à la beauté qui s’esquisse. "Demain" est bien plus qu’une revue de bonnes idées, même si celles-ci sont classées par chapitre : de l'Inde à la Californie, de la Suisse à la Finlande, les images permettent de tirer la leçon qu'offre la nature aux humains qui la respectent. C'est même un fil conducteur invisible, qui tient le scénario. Impression de clarté mentale en sortant de la salle : qu’il s’agisse d’énergie, d’alimentation ou d’organisation de la cité, le modèle naturel est transposable. "Demain" permet aussi de revoir son jugement sur certaines pratiques qui suscitaient jusque là plus de moqueries que d'adhésion (les monnaies locales).
"Demain" réhabilite des valeurs socles emportées dans les eaux grises et confuses de la mondialisation ou dans les clivages artificiels de la politique : la beauté du labeur, qu’il soit manuel ou intellectuel, la joie de coexister avec la nature, le respect de ses semblables, l’autorité – encore une fois copiée sur la nature – en matière d’éducation, l’égal respect dû à chacun, le rôle de la confiance dans tout projet humain. L'harmonie est un possible. De la serre à la salle de classe, du champ à la salle municipale, du réseau bancaire à l’entreprise, l’économie de demain se dessine : circulaire, partagée… La gouvernance se revoit : locale, collective, subsidiaire. L'économie bleue conceptualisée par Gunter Pauli aura fait le même constat : la biodiversité, c'est nous.
"Sauver les semences, c'est sauver notre liberté", nous confiait en mai Vandana Shiva. Autre personnalité qui apparaît à l'écran. Autre sourire lumineux. Mélanie Laurent et Cyril Dion aiment la citer : « Il ne faut obéir qu’aux lois de l’humain et de la nature ». Leur film montre comment. Comme le titre Libération, demain n'est pas si loin.
"Demain, le film", en salles le 2 décembre 2015. Documentaire de Cyril Dion et Mélanie Laurent. Durée 1h58. Infos : www.demain-lefilm.com.
Lire sur le site de Kaizen : Mélanie Laurent et Cyril Dion regardent demain
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