Jacques Caplat : « Cultiver en bio ne se résume pas à supprimer les pesticides »
Bio Info Générations futures, l’Union nationale de l’apiculture française et Agir pour l’environnement, chez qui vous vous occupez des questions liées à l’agriculture, viennent de lancer le Comité des élus pour les alternatives aux pesticides. De quoi s’agit-il ?
Jacques Caplat L’objectif de ce comité est de réunir les élus de tous bords qui se préoccupent des conséquences sanitaires des pesticides agricoles et cherchent à s’informer sur leurs alternatives. Il s’agit de prolonger le travail de la « mission sénatoriale d’information sur les pesticides » qui a porté plusieurs recommandations pour mieux protéger les agriculteurs et les riverains. Car il ne faut pas oublier que les premières victimes des pesticides sont les agriculteurs eux-mêmes.
B. I. On a du mal à croire que l’agriculture biologique puisse fournir des rendements supérieurs à l’agriculture conventionnelle, pourtant, c’est ce que vous soutenez...
J. C. Les semences de l’agriculture conventionnelle ont été sélectionnées pour offrir les meilleurs rendements dans des conditions idéales, artificielles, impossibles à retrouver à l’état naturel. Pour combler cet écart, le recours aux pesticides et aux engrais est indispensable. Ces semences requièrent en outre une grande stabilité du milieu. De ce fait, le système de l’agriculture conventionnelle est très mal adapté aux grandes variabilités climatiques des zones non tempérées. Une étude menée par le Programme des Nations unies pour l’environnement a montré qu’en Afrique le passage à une agriculture biologique permet d’augmenter les rendements de 110 % !
B. I. Qu’en est-il en milieu tempéré ?
J. C. Dans ces zones, les rendements de l’agriculture biologique sont en théorie plus faibles que ceux de l’agriculture conventionnelle. Et pour cause ! Si l’on prend des semences standards, prévues pour être accompagnées de fertilisants et de pesticides, et qu’on les cultive sur de grandes surfaces, en monoculture, en se contentant de supprimer les intrants chimiques, ça ne fonctionne pas. Faire de l’agriculture biologique ne se résume pas à faire du conventionnel sans chimie !
B. I. Qu’est-ce que l’agriculture biologique alors ?
J. C. D’un point de vue agronomique, la monoculture est une aberration. À l’inverse, les cultures associées permettent d’éviter la concurrence nutritionnelle entre les plantes, et même de combiner des variétés qui s’apportent mutuellement ce dont elles ont besoin. L’agriculture biologique est un mode de culture qui met en relation l’écosystème, l’agrosystème et l’humain.
B. I. Les agriculteurs sont malgré tout réticents à se convertir à la bio…
J. C. Il y a d’abord un gros malentendu, car la plupart d’entre eux envisagent la bio comme du conventionnel sans chimie. Or il s’agit d’une nouvelle démarche, avec de nouvelles techniques et de nouvelles filières de vente. La conversion requiert un accompagnement par des paysans pratiquant eux-mêmes la bio. En outre, les agriculteurs manquent de visibilité. L’objectif de 7 % de surfaces cultivées en bio à l’horizon 2017 qu’a fixé le ministre de l’Agriculture est quasiment équivalent à l’évolution tendancielle, alors que le Grenelle de l’environnement visait 20 % de bio à l’horizon 2020. Il faudrait se fixer un objectif plus ambitieux et s’en donner les moyens.
(Photo ©J-M. Gouelou).
Parcours
L'appel de la terre
Fils d’un paysan de Lozère, Jacques Caplat est agronome de formation. Il a d’abord travaillé au Bénin, puis comme conseiller technique au sein d’une chambre d’agriculture dans le domaine conventionnel, avant d’être embauché par un groupement d’agriculteurs bio (GAB). Il a ensuite rejoint la Fédération nationale de l’agriculture biologique (FNAB) pour laquelle il était chargé des politiques agricoles et environnementales, à l’échelle nationale et européenne. Il a participé à la fondation du Réseau semences paysannes et fait aujourd’hui partie du conseil d’administration de l’association Agir pour l’environnement.
À lire
« L’Agriculture biologique pour nourrir l’humanité. Démonstration », préface de Claude Aubert. Éd. Actes Sud, mars 2012, 480 p., 24,40 €.
« Cultivons les alternatives aux pesticides ». Éd. Le Passager clandestin, août 2011, 112 p., 10 €.
À lire sur notre site :
ÉDITO : Pesticides amateurs