Pesticides et agriculteurs : un nouveau rapport explosif
Motivée par l'idée de réduire les risques d'exposition des agriculteurs aux pesticides, l'Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail) a exploré quatre ans durant les pratiques des agriculteurs, la façon dont ils se protègent ou pas des effets des pesticides, les conseils de prévention et les informations sur la toxicité qui leur sont donnés par les industriels. Son rapport, intitulé « Expositions professionnelles aux pesticides en agriculture », est publié depuis juillet 2016 sur son site internet.
Dans celui-ci, on apprend entre autres que l'utilisation des pesticides est en augmentation en France, contrairement aux annonces gouvernementales qui en promettent la réduction ! Un fait à relier à celui que la publication de ce rapport a été repoussée plusieurs fois, faisant monter le ton des associations environnementalistes fin juin 2016.
Des produits largement diffusés
Les seuls produits phytopharmaceutiques représentent près de 3 000 spécialités commerciales ; plus de 60 000 tonnes de substances y sont vendues chaque année depuis 2009, d’après les déclarations de vente issues de la redevance et publiées annuellement dans le cadre du plan Ecophyto 2018. « Ce chiffre n’inclut pas la totalité des distributeurs et ne comprend pas le traitement des semences, ni les substances biocides ou les antiparasitaires utilisés sur animaux », précise l'Anses. Présenté à la ministre de l'Environnement, le rapport a été jugé « particulièrement critique sur les mesures mises en place pour protéger les travailleurs exposés aux pesticides ».
Les experts de l'Anses demandent entre autres de réduire l’usage des pesticides pour en diminuer l’exposition, de produire des données sur les expositions en soutenant les études indépendantes et de favoriser l’accessibilité des informations, notamment en ce qui concerne les précautions d'usage à prendre lors de l’utilisation des produits phytopharmaceutique.
Des salariés mal protégés
Comme le souligne l'Anses, les dossiers d'autorisation de mise sur le marché reposent tous sur des utilisateurs tellement modèles qu'ils sont bien loin des usages de la profession. Quels agriculteurs sur le terrain portent en effet ces dispositifs de protection (gants, masques, combinaison de protection, bottes) qui les font plus ressembler à des travailleurs du nucléaire qu'à des agriculteurs ? D'autant que ces équipements sont inconfortables. Dans les faits, ils sont bien peu portés.
Mais les produits phytosanitaires sont toujours aussi dangereux pour la santé humaine : ils sont même reconnus dans l'apparition de maladies professionnelles chroniques, comme depuis 2012, la maladie de Parkinson et depuis 2015, d'hémopathies malignes… Ce n'est pas pour rien qu'une association des « sinistrés des produits agricoles », Phyto'victimes, s'est créé en mars 2011 !
Les demandes de la ministre de l'Environnement
En réponse au rapport de l'Anses, la ministre de l’Environnement a demandé pour sa part le renforcement de l’encadrement réglementaire et notamment le retrait des autorisations de mise sur le marché des produits identifiés comme les plus toxiques, comme l'Anses l’a fait pour le diméthoate, le chlorpyrifos-éthyl et les herbicides au glyphosate utilisant des co-formulants.
L'Anses est effectivement aussi l'organisme qui est chargé des autorisations de mise sur le marché des pesticides… Mais chargé par qui ? Sans une réelle volonté politique de réduire les pesticides plus largement que pour les abeilles ou dans les parcs et jardins, les agriculteurs risquent d'être encore longtemps exposés à ces produits dangereux !
(Photo ©Istock.)