Des semences toujours moins libres
La loi initiale, parue le 20 juillet 2016, autorisait les associations de loi 1901 à vendre aux jardiniers amateurs des semences appartenant au domaine public et non inscrites au Catalogue officiel national des semences, sous réserve que ces dernières respectent les règles sanitaires du code rural. Les agriculteurs étaient pour leur part simplement autorisés à les donner. L'article n'a pas plu aux Républicains, qui ont saisi aussitôt le Conseil constitutionnel. Ce dernier a révisé l'article, interdisant désormais à tous la vente de ces semences pourtant « libres ».
Nivellement par le bas
« Évidemment, ce n'était pas constitutionnel de permettre aux associations de commercialiser ce que les agriculeurs ne pouvaient pas », reconnaît Ananda Guillet, directeur de Kokopelli. « La vraie révolution aurait été de l'autoriser pour tous les acteurs : pour les paysans, pour les maraîchers et pour n'importe qui ! » poursuit-il.
Si la distribution gratuite reste autorisée, elle est désormais limitée, toujours au nom du principe d'égalité inscrit dans la Constitution. En effet, les échanges de semences sont désormais tous soumis aux mêmes obligations de contrôle et d'analyses sanitaires que les semences industrielles. « Ces contrôles sont certes indispensables pour les productions industrielles, mais totalement inapplicables par l'immense majorité des jardiniers amateurs », s'indigne Guy Kastler, le responsable semences et OGM à la Confédération paysanne. Chez Kokopelli, on ne s'inquiète pas : « Cela fait vingt ans qu'on travaille illégalement et on continuera à le faire ! » affirme Ananda Guillet, tout en rappelant que « l'association, connue sur toute la Planète pour son travail dans la préservation de la biodiversité, est inattaquable ». Il n'en est malheureusement pas de même pour d'autres petits acteurs qui n'ont pas pas la même structure.
Une loi inapplicable
Ceci dit, qu'ils se rassurent : d'une part, comme le rappelle le Réseau Semences paysannes, cette loi est inapplicable sur le terrain ; d'autre part, elle entre en contradiction avec le règlement européen sur la santé des végétaux, dont l'adoption est actuellement en projet, et qui stipule que « le matériel de reproduction des végétaux échangé en nature entre deux personnes autres que des opérateurs professionnels est exclu du champ d’application du règlement ». Une fois n'est pas coutume, la réglementation européenne imposerait donc à la France de plier... dans le bon sens !
(Photo ©Istock/ Filippo Bacci)