Beauté des pieds : laissez faire les poissons !
Le garra rufa est à la mode ! Depuis l’an dernier, cette espèce originaire du Tigre et de l’Euphrate s’invite dans les spas de toutes les grandes villes pour bichonner nos orteils à leur façon. Et parfois nos mains. En Irak, en Turquie, en Syrie, en Jordanie et en Iran, c’est un rituel de beauté ancestral. Voilà à peu près tout ce que je sais en prenant rendez-vous chez Sensory Spa, lieu choisi pour le tester.
Ouvert en septembre dernier, cet institut propose des soins classiques de manucure, de pédicure, et le fameux « bain de poissons ». En version manucure ou pédicure. D’ailleurs on ne voit que ça en entrant : les garra rufa nagent dans une rangée de cinq aquariums alignés au bas d’une estrade où sont déjà assises quelques clientes, visage détendu, une tasse de café à la main.
Des pieds impecs
Le soin dure 30 minutes. On peut l’assortir selon ses envies d’un modelage, d’un soin des ongles ou d’une pose de vernis. Pendant que Laura Chapelle, l’esthéticienne, m’explique tout cela, je pose chaussures, chaussettes et sac à main dans un casier, retrousse mon jean jusqu’aux genoux et me dirige vers une sorte de douche italienne où sont posés gel lavant, lotion hydroalcoolique et serviettes de toilette. Ma mission : nettoyer et désinfecter à fond mes pieds, avant inspection par Laura qui vérifiera s’ils n’affichent aucune plaie, verrue, mycose ou trace de psoriasis… Auquel cas, je serai recalée car les germes, dans l’eau, se transmettent facilement. Autre chose : il faut venir sans vernis et sans crème.
C’est le moment de confier mes pieds aux poissons. Il paraît que ça chatouille, je vais le savoir très vite. À mes côtés, deux jeunes femmes venues ensemble sont encore plus hésitantes et n’en finissent pas de rire. Les première secondes sont plutôt drôles en effet : les mollets sont à peine entrés dans l’eau que les poissons se massent sur nos orteils, comme aimantés. Impression de petites décharges minuscules, de micromassage… Bref, rien de désagréable, au contraire. Je savoure en regardant la déco autour de moi : murs fuchsia et mobilier gris, pastilles de verre coloré au fond des aquariums. Mes voisines sont au champagne. J’accepte pour ma part un thé, que je bois en discutant avec Michel Morvillers, le patron du lieu.
C’est à Marrakech, il y a un an, alors qu’il travaillait dans le bâtiment, qu’il a découvert ce soin. À Lille, rien n’existait encore. Aujourd’hui, pas moins de cinq instituts se partagent le marché dans la région lilloise, dont deux avec autant d’aquariums. Ici, à la mi-avril, le calendrier est déjà blindé jusqu’au mois de mai, à raison de trente personnes par jour parfois. Des femmes (80 % de la clientèle), mais aussi des hommes et des enfants, attirés par les poissons.
Je les regarde aller et venir sur mes pieds. Les garra rufa ont une bouche ventouse inclinée vers le bas qui leur permet, dans leur milieu naturel, de se nourrir sur les galets, ici, d’attraper nos peaux mortes. Dans leur région d’origine, on les utilise par baignoires entières pour se gommer le corps. On dit aussi qu’ils soignent les maladies de peau. Une allégation interdite en France, où ceux qui font commerce de ces « poissons docteurs » ont aussi l’obligation de passer une capacité d’entretien des animaux, une formation de deux semaines sur laquelle Michel Morvillers n’a pas fait l’impasse.
Détente
Au bout de 30 minutes, me voilà parfaitement relaxée. C’est d’ailleurs le principal bénéfice d’une première séance. Si j’étais venue avec des pieds calleux, je ne serais pas ressortie cette fois-ci avec des petons doux comme de la soie… « On voit les effets au bout de la deuxième séance car les poissons éliminent 10 à 20 % des peaux mortes à chaque fois », explique Laura, qui conseille de se livrer à leurs soins « dans l’idéal toutes les semaines, au moins une ou deux fois pas mois ». « Avec une pierre ponce ou toute autre méthode agressive, les callosités reviennent très vite, pas avec les garra rufa qui les suppriment en douceur et de façon naturelle au fil des séances. » Dans l’intervalle, on continue à utiliser des soins doux, sans oublier l’hydratation avec des huiles végétales. En ce qui me concerne, je repars avec des jambes plus douces et qu’une agréable sensation de délassement. C’est le pied !
Un soin écolo ? Naturel, oui. Écolo, un peu moins : mode oblige, le garra rufa fait l’objet d’un élevage et d’un commerce de gros, bien loin de son milieu naturel. Pour être efficace, il est soumis à restriction alimentaire. La fish pedicure est ainsi très critiquée par certaines associations de défense des animaux, notamment en Angleterre. Aux États-Unis, où elle est pratiquée depuis 2008, certains États l’ont carrément interdite, pour des questions d’hygiène cette fois. À l’opposé, cet animal est utilisé en Asie et en Orient pour soigner des maladies de peau, eczéma ou psoriasis. Pratique que notre ministère de la Santé n’est pas prêt de reconnaître. En France, le garra rufa est admis dans les centres de soins, sous réserve de déclaration à la préfecture. |
Pratique
25 place des Reignaux, Lille.
Ouvert le lundi de 11 à 18 heures, du mardi au vendredi de 10 à 19 heures et le samedi de 10 à 17 heures.
Bain de poissons 30 € par personne (28 € pour deux, 27 € pour trois, 26 € pour quatre et 25 € pour cinq).
Tél. : 03 20 12 94 21,
www.sensoryspa.fr.