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Le tourisme à l’heure du collaboratif

La location de logements entre particuliers ne connaît pas la crise. Emblématique de ce mouvement, la startup AirBnB, leader du marché mondial, devrait bientôt être valorisée à 21 milliards d’euros, soit plus que le groupe hôtelier américain Marriott ou que le groupe français Accor. En sept ans, la plateforme qui a atteint 900 millions de dollars de chiffre d’affaires, a déjà fait voyager plus de 25 millions de personnes dans le monde et propose plus d’un million de logements dans 190 pays.

Ce qui séduit ? Un large éventail d’offres, dans des quartiers parfois moins touristiques, donc plus authentiques, des prix souvent concurrentiels et une facilité d’accès aux annonces grâce à une interface web conviviale. Mais au-delà de l’aspect pratique, c’est aussi la recherche d’une expérience inédite favorisant la rencontre avec des locaux qui anime ces voyageurs. « Le cas du site Home Exchange est très intéressant : 65 000 personnes y échangent leur maison ou appartement à travers le monde. Or il s’agit de voyageurs qui ont les moyens d’aller à l’hôtel, qui ont un haut niveau d’éducation, des préoccupations écologiques et ont déjà voyagé. Leur quête est moins économique que sociale et culturelle : échapper au statut de touriste, se faire des amis aux quatre coins du monde… », note l’anthropologue Saskia Cousin, spécialiste du tourisme et co-auteur de «  Sociologie du tourisme » (éd. La Découverte).

Louer son équipement

En quelques années, le tourisme collaboratif s’est diversifié au point de voir apparaître des offres répondant aux envies de voyage de chacun. Parmi les dernières tendances, le gamping. Contraction de «  garden » et « camping », ce concept permet aux propriétaires de jardins de louer un bout de leur terrain à des campeurs, pour des prix variant d’un à 25 euros la nuit. Lancé en 2013, Gamping propose des emplacements dans 27 pays du monde, comme l’Équateur ou le Sénégal.

Petit à petit, le collaboratif s’est généralisé à tous les types de services. Besoin d’un équipement particulier pour pratiquer de l’alpinisme ou de la plongée sous-marine ? Des sites comme E-loue ou Zilok permettent de louer à d’autres particuliers n’importe quels d’objets. En fait, il est possible d’organiser toutes ses vacances sous le signe du collaboratif : de la garde de son animal de compagnie (via Animal-fute.com), jusqu’à la location de bateaux ou de camping-car avec Click & Boat et Jelouemoncampingcar.com, en passant par la découverte d’une ville grâce à la commu­nau­té des guides amateurs de Greeters. Certains partent même à l’aventure en groupe, avec des inconnus rencontrés sur des sites tels que TripnCo.

Marchandisation 
de l’hospitalité 

Sommes-nous donc en train de bouleverser notre façon de voyager ? Saskia Cousin différencie deux types de pratiques collaboratives. Celles qui relèvent d’un système d’échanges marchands, comme AirBnB, et les échanges non marchands, basés sur le don ou le troc, tels que le woofing, qui consiste à offrir le gîte et le couvert en échange d’une paticipation aux activités agricoles (lire encadré).

Retrouver la gratuité 

En réalité, les échanges gratuits ne sont pas récents : « L’hospitalité non marchande est au fondement de la constitution des sociétés humaines, car elle permet de créer du lien social à travers une dette symbolique : je t’héberge aujourd’hui, demain tu accueilleras mon fils, mon ami », explique l’anthropologue.

Le principe du couchsurfing est ainsi né en 1949 dans le cadre des mouvements pour la paix et contre la Guerre froide, sous l’impulsion de l’ONG Servas International. « L’hospitalité a un peu été oubliée par l’occident industriel, mais elle est encore au cœur des sociétés traditionnelles », note Siaska Cousin.

L’hospitalité marchande, qui repose sur l’idée que nous sommes quittes après l’échange, est quant à elle plus récente. « Il y a toujours eu des particuliers qui louaient des chambres ou proposaient leurs services avant l’arrivée de l’industrie du tourisme. Bref, rien n’est nouveau dans le principe, mais il y a un changement d’échelle », conclut la spécialiste. Contrairement au tourisme de masse des années 1950, le tourisme collaboratif reviendrait vers une façon plus traditionnelle de voyager. Encadré, cette fois, par les nouvelles technologies, mais aussi davantage motivé par l’envie de gagner un peu d’argent…

Profil

Une question de confiance

Les pratiques collaboratives, qu’elles soient marchandes ou pas, n’auraient jamais pu se globaliser sans un élément clé : la confiance. Paradoxalement, la dématérialisation des échanges via internet a permis d’accroître le niveau de confiance entre des inconnus qui échangent sans complexe. D’une part, parce que les plateformes garantissent la sécurisation des paiements, avec parfois des assurances clés en main en cas de dommages. D’autre part, grâce au profil des utilisateurs qui permettent de se présenter, mais aussi de recevoir des commentaires. Ainsi, une étude menée en 2013 par le site de covoiturage Blablacar sur les comportements des utilisateurs révélait qu’un membre avec un profil complet, avec photo, descriptions et coordonnées certifiées, inspirait davantage confiance qu’un voisin. Et presque autant qu’un ami proche. M. S.

Le gamping permet aux propriétaires de jardins de louer un bout de leur terrain à des campeurs.

 

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