En 2015, s'affranchir des banques?
Vous voulez donner du sens à votre argent ? Mais que faire de votre pécule ? Pourquoi ne pas le placer là où il permettra de financer des associations ou des entreprises sociales ? C’est ce que propose l’épargne solidaire. Un choix qui séduit des milliers de Français : en 2013, 6,02 milliards d’euros ont été déposés sur des produits d’épargne solidaire, selon Finansol. Ils ont ainsi généré 1,02 milliard pour soutenir des projets sociaux ou environnementaux, et 6,1 millions de dons ont été reversés à des associations. Ainsi, la finance solidaire a permis de créer ou de consolider 22 000 emplois et reloger 3 500 personnes.
Crédit coopératif et Nef
Aujourd’hui, la plupart des banques proposent des produits d’épargne solidaire. Mais seules deux en ont fait leur spécialité : le Crédit Coopératif et bientôt la Nef. « Il existe d’autres dispositifs pour placer son argent, qui ne font pas partie des circuits bancaires. Les sociétés financières comme Garrigue permettent d’acheter des parts de capital investies dans des entreprises solidaires et responsables », explique Amélie Artis, maître de conférences en économie à Sciences Po Grenoble.
Malgré des perspectives sociétales intéressantes, la finance solidaire peine à se généraliser dans les pratiques. En 2012, la part de l’épargne solidaire ne représentait que 0,12 % de l’épargne financière. « La réglementation favorise largement les établissements bancaires traditionnels. Ensuite, tous les épargnants ne sont pas prêts à investir dans ces produits, présentés comme risqués. Enfin, nous manquons parfois de projets pour investir », note Amélie Artis. Pourtant, les produits solidaires ne sont pas plus dangereux. « Les entreprises du secteur ont une gestion plus stable, car elles ne fonctionnent pas uniquement sur un modèle lucratif. En revanche, ces investissements ne vous rapporteront jamais 15 à 20 % d’intérêts », continue cette spécialiste. Entre stabilité ou rendement, il faut choisir.
Placer autrement
Depuis son développement, la finance participative offre de nouvelles voies d’investissement. Le concept, qui consiste à financer des projets à plusieurs sur internet, prend de plus en plus d’ampleur. En 2014, le crowdfunding aurait permis de collecter entre 120 et 150 millions d’euros. Son potentiel de développement, à l’horizon 2020, serait de 1 000 milliards de dollars dans le monde. Un engouement qu’Arnaud Poissonnier, fondateur de la plateforme de prêts solidaires Babyloan, explique par plusieurs raisons. « Les porteurs de projets organisent eux-mêmes leur collecte, c’est très efficace, car ils sollicitent leurs amis ou leur famille et créent un effet d‘entraînement. De l’autre côté, il y a une demande des épargnants et investisseurs pour plus de transparence. Or, avec le crowdfunding, on choisit où va son argent. »
Un nouveau décret sur la finance participative, en 2014, a ouvert davantage les vannes. Notamment en autorisant les particuliers à prêter jusqu’à un million d’euros à d’autres particuliers ou à des entreprises. Un domaine qui était jusque-là la chasse gardée des banques. Certaines d’entre elles avaient d’ailleurs crié au parjure. En vain. « Les banques ne devraient pas se sentir en danger, puisque ce sont souvent des projets qu’elles refusent de financer », souligne Arnaud Poissonnier.
Du projet solidaire au projet créatif
Mais si les banques ne s’y risquent pas, est-ce si sûr ? Pour Arnaud Poissonnier, le danger n’est pas comparable : « Si une banque prête mal, il y a un risque systémique, c’est-à-dire qu’elle peut mettre en danger toute une économie. Avec la finance participative, le risque pèse sur l’investisseur. » Ainsi, pour limiter la casse, mieux vaut multiplier ses investissements sur cinq ou dix projets. D’autant qu’il y en a pour tous les goûts : art, écologie, éducation…
Certaines plateformes, comme le site de prêt aux PME Lendopolis, permettent de gagner de l’argent avec des taux d’intérêt variant de 4 à 10 %. D’autres, comme Ulule, proposent en retour des contreparties : le DVD du film financé, son nom au générique, un tee-shirt… Finalement, malgré ces amorces de changements, difficile de dire si, à terme, le paysage bancaire se généralisera vers plus de solidarité et de transparence. « Il n’y a pas de tendances lourdes, reconnaît Amélie Artis. Mais c’est la pratique, par l’acte de consommation, qui pourra influencer les choses. Si la demande va dans ce sens, l’offre suivra ». Pour rester optimiste, c’est donc aussi à chacun d’agir.
Alternative
Nickel, le compte sans banque
Ouvrir un compte chez son buraliste est désormais possible. Le compte Nickel, lancé en 2014, donne accès, sans condition de revenus, à une carte de paiement et de retrait dans tous les distributeurs. Il permet aussi de réaliser les opérations bancaires de base : virements et prélèvements, sans que les découverts soient autorisés. Pour l’ouvrir, il suffit de se rendre chez l’un des 520 buralistes partenaires avec une carte d’identité. Ce concept a déjà séduit plus 50 000 clients. Infos : www.compte-nickel.fr.