Europe frelatée
Vous allez me dire, d’ici quelques semaines, on ne parlera plus de ces élections. Les Européens s’en fichent. Au vu des résultats, on peut se demander, d’ailleurs si, pour eux, la question était bien sérieuse.Vous allez dire aussi que cela ne change pas la composition du Parlement.
À cela près qu’il fait place depuis à un homme politique alle- mand surpris il y a trois ans au guidon d’une moto sur une affiche de campagne qui comportait le slogan « Mettre les gaz »... À cela près, donc, le Parlement ne changera pas de couleur.
Probablement aussi que rien ne changera à la politique générale de l’Union. Il y a fort à parier en effet que, malgré cette élection naïvement qualifiée de « séisme politique », l’immeuble massif de 28 étages qu’est devenue l’Union européenne ne bougerapas d’un centimètre.
Est-ce cela que nous, Européens convaincus, sommes entrain de comprendre ? Sommes-nous en train de comprendre que nous n’avons pas de voix au chapitre dans les décisions qui régissentnotreviedetouslesjours?EnFrance,lecasdesfarines animales nous est resté en travers de la gorge : lorsqu’il était question de les réintroduire dans les produits alimentaires, notre pays avait voté par 55 voix contre et 8 pour. La réintroduction a tout de même été autorisée (avec publication au Journal officiel la même semaine que le scandale de la viande de cheval !). Depuis un an, nous trouvons donc à nouveau dans nos assiettes de la farine de viande et d’os.
Pour tout vous dire, même si cela ne suffisait pas à faire mon jugement, l’Europe, je ne l’ai jamais sentie. Face à toutes ces arnaques,des novel food, qui servent de cheval deTroie aux OGM, au retour des poulets américains à l’eau de Javel, en passant par les 10% d’huile de vidange autorisés dans les huiles alimentaires, les autorisations de mise sur le marché de médicamentsdangereux ou encore l’interdiction des allégations santé sur les compléments naturels, je dois vous dire que je la sens de moins en moins.
Ainsi, quand certains demandent la sortie de l’Europe permise par le traité sur l’Union, je suis prête à les écouter.Je ne dis pas que mon jugement est fait, mais le moins que l’on puisse conclure de ces suffrages du 25 mai, c’est que toutes les questions sont permises...
En janvier, la Commission européenne refusait d’imposer des normes juridiques contraignantes à l’exploration et l’exploitation de gaz de schiste au mépris des citoyens et à l’encontre du souhait du Parlement européen, qui appelait à « une interdiction totale de la fracturation hydraulique dans certaines zones ». Les quatorze députés EELV élus en 2009 n’y ont rien pu changer.
Après des décennies de constats d’impuissance, le temps des questions est arrivé. L’Europe a-t-elle perdu le sens du bien commun ? L’Europe serait-elle, comme aurait dit l’écrivain G. K. Chesterton (mort trop tôt pour assister à la construction des années cinquante), une belle idée devenue folle ?
Il me semble, à moi, que l’Union européenne est devenue (si elle n’a pas été construite pour ça) un vaste terrain de jeu ouvert, par lobbies interposés, aux intérêts financiers des multinationales.
À l’image des arnaques levées l’an dernier dans les filières pharmaceutiques et agroalimentaires, l’Europe serait-elle une arnaque elle-même ?