Ecovillage Tera, une utopie moderne à faire sortir de terre
C'est un projet fou. Construire de toutes pièces un éco village 1 800 habitants. Matériaux écologiques, autonomie énergétique, système de phyto-épuration, espaces de permaculture, d’agro-foresterie, de pâturages...
La coopérative Tera serait conçue comme un modèle de développement durable. Mais ce n’est pas tout. Frédéric Bosqué, qui parcourt la France à vélo depuis le 12 juillet pour défendre son projet, y expérimenterait la création d’un revenu de base, une allocation versée à tous, son cheval de bataille. « L’objectif est de donner un véritable choix de vie aux citoyens, libres de continuer à travailler ou de s’adonner à d’autres activités », explique-t-il. Seule contrepartie, participer aux travaux de la collectivité à raison d’une journée par semaine. Fixé à 814 €, un euro de plus que le seuil de pauvreté, ce revenu serait d’abord versé dans la monnaie européenne. Ensuite une monnaie locale viendrait s’y substituer. Conformément à la réglementation, celle-ci serait convertible en euro grâce à la constitution d’un fonds de garantie. Autre particularité, les décisions se prendraient par consensus ou consentement, ou à défaut, aux deux tiers des voix. « La société civile a inventé plein de solutions en matière de développe- ment durable et de gouvernance partagée. Mais elles ne sont jamais réunies en un même lieu. L’idée de Tera est de les rassembler pour montrer qu’un nouveau modèle de société est possible », souligne le créateur du projet.
Permacultivé
Mais pourquoi ne pas construire Tera en rénovant des habitations déjà existantes ? « Il est plus simple de partir d’un endroit vierge, ne serait-ce que pour la conception du système de phytoépuration. Celui-ci alimenterait les cultures en engrais et permettrait de produire du méthane comme source d’énergie ». Mis en images par le jeune designer Antoine Carrier, le site serait ponctué de zones de cultures subvenant à l’alimentation des habitants, sur le modèle de la ferme du Bec Hellouin étudiée par l’Institut national de recherche en agriculture (INRA). Chaque unité de 1 000 m2 pourrait ainsi nourrir vingt personnes.
« Les grandes villes ne disposent que de quatre jours de réserves alimentaires ! D’où notre souhait de relocaliser la production », martèle Frédéric Bosqué. Le cœur du village serait dédié aux activités culturelles, avec une salle de spectacles et de conférences, un centre de formation et un gîte. «Toutes les activités marchandes se feraient à prix libre », précise celui qui est aussi l’auteur d’un livre sur les « alternatives humanistes ». Mais, s’il a l’air très abouti sur le papier, le projet n’a aucun caractère définitif. «Tout est susceptible d’évoluer en fonction des consultations menées auprès du public ».
Un chantier en 2017
Des consultations qui ont d’ores et déjà commencé. L’équipe de Tera sillonne la France à bord de vélos à assistance électrique. Partis d’Avranches (Manche), ses membres rejoindront Arvillard (Savoie) le 27 octobre après plus de 3 600 km parcourus. Le début d’une entreprise de longue haleine. Frédéric Bosqué s’est donné dix ans pour finaliser le village. Le temps « d’aller à la rencontre des citoyens pour formaliser un cahier des charges, jusqu’en 2016. Mais aussi d’échanger avec les élus et les entreprises pour trouver des financements ». La construction du village commencerait à partir de 2017, suivie par les mises en culture et le versement d’un revenu d’autonomie. À partir de 2020, Tera prendrait son rythme de croisière pour atteindre l’objectif de 85 % d’autosuffisance alimentaire.Les consultations détermineront également le lieu d’implantation du site, proche d’un village de moins de 500 habitants, « pour redynamiser l’un des nombreux villages français qui dépérissent ». Une solution permettant aussi. de solliciter des subventions européennes pour le désenclavement des petites communes. Outre ces subventions, la construction du village serait financée par des partenariats publics et privés, l’apport des habitants et le financement participatif. Ensuite, les surplus des cultures, les activités issues des gîtes et de la formation permet- traient d’assurer le revenu de base des habitants. Pour s’assurer que le projet atteint bien ses objectifs, il serait suivi par un comité scientifique. Un pari ambitieux, utopique, diront certains... Frédéric Bosqué n’en a cure. Il a fait sienne la maxime de Gandhi : « Sois le changement que tu veux voir dans le monde.»