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La sensualité contre la pornographie

La sensualité contre la pornographie

« Comment sortir de l’instrumentalisation de l’autre ? Je ne pense pas que beaucoup d’hommes soient réellement conscients de la douleur et l’humiliation causées, surtout quand on est face à la personne la plus aimée au monde ! La relation conjugale est pourtant censée être celle de l’affection, de l’écoute et du respect. La pornographie a déformé la vision de l’intimité, elle sème la zizanie entre nous. Plus assez de piquant, on a déjà tout eu. Comment sortir le couple de l’image que la pornographie laisse dans nos esprits ? » Voici la question reçue à la suite d’une de mes chroniques : « Mon homme est sex-addict ».

Trois images néfastes

La pornographie laisse dans les esprits principalement trois idées, aux effets opposés de l’érotisme. D’abord, une vision morcelée du corps. Ce n’est pas un corps, ce sont des morceaux de corps qui sont le sujet de l’image. Les gros plans sur les sexes réduisent l’acte sexuel à son aspect génital. Ensuite, regarder, c’est faire. La pornographie répond à la pulsion sexuelle sans la sublimer. Elle engloutit le désir, ne laisse aucune place à l’attente. Elle se consomme, elle n’invite pas à la relation. Enfin, la subjectivité est évacuée. L’autre n’est plus une personne, elle est un « trou », un objet, un moyen de la jouissance. La maximisation du plaisir physique est recherchée pour soi, il réduit à sa dimension organique. Face à ces images, voici trois conseils pour les évacuer et permettre une relation sexuelle inter-subjective.

Redécouvrir l’autre

Il faut d’abord faire une pause. S’accorder une période d’abstinence sexuelle est essentiel pour casser le cercle vicieux qui s’est installé dans le couple. C’est ensemble et verbalement qu’il faut définir le temps à s’accorder pour se retrouver autrement. Si la décision est prise unilatéralement et implicitement, cette période d’abstinence ne permettra pas d’obtenir l’effet escompté. L’objectif est de souffler, lâcher la pression, sortir d’une logique du devoir pour se regarder face à face de manière désintéressée.

Ensuite, toucher le corps de l’autre et se laisser toucher. Pas la zone génitale, ni même les autres zones érogènes connues que sont les seins ou les fesses. L’objectif n’est pas de vivre des préliminaires en vue d’un acte sexuel ! Découvrez plutôt toutes les autres parties du corps oubliées quand la sexualité est réduite à une excitation génitale. Je parle des pieds, des oreilles, des mains, du dos, des jambes, du visage, des cheveux… Pendant dix minutes, chacun à son tour promène ses mains sur le corps de l’autre pour y sentir sa chaleur, la texture de sa peau, glisser sur ses courbes. Embrasser ces lieux oubliés. 

Se bander les yeux est le meilleur moyen pour se connecter à ses sensations ou se laisser toucher sans vouloir contrôler. Il ne s’agit pas d’un massage à proprement parler, où la détente est recherchée. L’objectif est d’introduire de la sensualité, découvrir le plaisir que peuvent procurer toutes les zones de notre corps et reprendre contact avec la réalité quand la pornographie enferme dans un monde virtuel.

Partager son vécu

Vient le moment de partager son vécu. À la fin de ce temps de caresses légères hors des zones érogènes habituelles, chacun partage avec l’autre ce qu’il a aimé ou moins aimé : « As-tu trouvé ce moment agréable ? Quelles parties de ton corps étaient les plus sensibles ? Aimes-tu avoir les yeux bandés ? As-tu aimé me caresser et embrasser mon corps ? À quoi pensais-tu ? » L’objectif est d’apprendre à dialoguer dans le respect. Pour cela, il faut d’abord s’écouter, exprimer son ressenti puis écouter l’autre. En parlant de son vécu en « je », chacun récupère un statut de personne humaine au lieu d’être réduit à une chose, un sexe. Cette expérience, surtout si elle est renouvelée régulièrement, éveille immanquablement le désir, enrichit de manière considérable l’union sexuelle et augmente énormément le plaisir. 

 

Retrouvez cet article et d’autres sur le blog de l'auteur, www.theresehargot.com.

Écoutez aussi son émission « Chroniques philosophiques d’une sexologue», sur Radio Médecine Douce, www.radiomedecinedouce.com.

 

Thérèse Hargot est sexologue. Diplômée d’un DEA de philosophie à la Sorbonne et d’un master en sciences de la famille et de la sexualité à l’université de Louvain (Belgique), elle a étudié les rapports de pouvoir liés à la médicalisation du corps féminin dans les processus reproductifs. Elle a signé en 2010 « Pour une libération sexuelle véritable » (éd. François-Xavier de Guibert).

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(Photo Paul Blind)

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