Ne m’oublie pas !
J’étais en train de choisir soigneusement une bouteille de Pinot noir d’Alsace (c’est le cépage qui contient le plus de resvératrol) dans le rayon vin d’un magasin, lorsque j’ai senti quelqu’un se diriger vers moi dans une étrange hâte et empoigner tout aussi vivement la boîte que je tenais de la main gauche, pour y tenter d’ôter l’étiquette rouge qui y était accolée. Le regard vide de la jolie petite vieille dame qui était en face de moi ne laissait aucun doute. Le monsieur âgé qui l’accompagnait, la cherchait déjà d’un regard angoissé à l’autre bout du rayon. Il est arrivé près de moi, rassuré pour un instant, et a murmuré : Alzheimer… désolé. Un regard d’une tristesse inouïe.
Foutue maladie. Aujourd’hui, environ 35 millions de personnes en souffrent dans le monde. Les projections actuelles, basées sur le rythme de vieillissement de la population, suggèrent que ces chiffres atteindront 100 millions en 2050.
Il est convenu de dire que les causes de cette maladie fatale et irréversible du cerveau sont mystérieuses. Il est vrai que les facteurs semblent aujourd’hui multiples et indéterminés : facteurs environnementaux ou toxiques, hypertension, troubles du sommeil, excès de fer ? Si l’on sait désormais que certaines maladies comme le diabète de type 2 sont définitivement liées à l’alimentation, on croit encore souvent que la maladie d’Alzheimer frappe sans prévenir ou sans raison.
C’est ce que l’on pensait en tous les cas jusqu’il y a peu.
Car de plus en plus de scientifiques suggèrent qu’il existe une connexion redoutable entre les aliments que l’on consomme et le risque de maladie d’Alzheimer, avec des mécanismes proches de ceux qui provoquent le diabète de type 2. C’est dans ce sens que certains ont même renommé Alzheimer diabète de type 3.
Quelles qu’en soient les causes, Alzheimer fait des ravages et ne suppose pour l’instant aucune perspective de guérison, même s’il existe une amorce d’espoir suite à certaines découvertes récentes. La priorité aujourd’hui pour affronter la maladie est de communiquer, d’informer, de prévenir, de dépister, de diagnostiquer et d’accompagner. Or jusqu’à présent, on en parle peu ou pas ouvertement : la maladie est taboue.
Dans les hôpitaux pourtant, un pourcentage croissant de lits est utilisé pour des patients qui souffrent de maladies neuro – dégénératives, même si ce n’était pas, à l’origine, la raison principale de leur admission. Dans tous les départements d’un hôpital, les équipes au grand complet devraient mieux comprendre et mieux intégrer cette pathologie, afin de délivrer les soins les plus appropriés.
En Angleterre, l’hôpital universitaire de Coventry a lancé la campagne : Forget-me-not. Il s’agit de placer une petite fleur de myosotis (qui, dans le langage des fleurs, signifie : Ne m’oublie pas) sur le lit de tout patient pour lequel il faut être plus vigilant, prévoir plus de contrôles ou plus d’assistance, plus de réconfort et d’apaisement. Une approche centrée sur la personne.
Un petit symbole bleu puissant pour aider les personnes qui souffrent d’Alzheimer à exister davantage.