Le bonheur en pleine conscience
Après la parution de notre dossier méditation, il y a quelques mois, une lectrice avisée nous a fait remarquer que si nous y parlions abondamment de la pleine conscience (dans la foulée du succès de la mindfulness, mise au point par Jon Kabat-Zinn), nous n’y avions pas fait mention du maître du genre, Thich Nhat Hanh. Or, il est vrai que tout son enseignement est tourné vers cette Sérénité de l’instant 1, titre éponyme d’un de ses best-sellers transmettant l’art et la manière de s’accorder au moment présent. Voilà qui valait bien un article !
Le maître du temps présent
Écrivain, poète, infatigable défenseur de la non-violence 2, Thich Nhat Hanh, moine bouddhiste Zen vietnamien de renommée internationale, œuvre depuis des décennies à transmettre cette pratique de la pleine conscience, synonyme de paix et de bonheur au quotidien. Il plaide pour une présence… au présent. Notre vraie demeure est le maintenant, enseigne-t-il, inlassablement. Cela peut sembler évident, pourtant dans notre époque où tout va (trop ?) vite, nous avons souvent le pied sur l’accélérateur et nous ne sommes pas vraiment là, pris dans la spirale infernale d’une fuite en avant épuisante. La méditation n’est pas une évasion, mais une rencontre sereine avec la réalité, dit-il encore. Au bureau, à la cuisine, au jardin, en voiture : pour Thich Nhat Hanh, dans la lignée du bouddhisme Zen, la méditation de la pleine conscience se vit au cœur de nos activités de tous les jours. Un enseignement pragmatique et subtil, dispensé au fil de ses ouvrages, mais aussi, entre autres, au Village des Pruniers, communauté bouddhique que Thich Nhat Hanh a créée, en 1982, dans le sud-ouest de la France. Chacun, chacune, peut venir y faire une retraite pour apprendre à cultiver cet art de la pleine conscience.
Une profonde respiration
La sagesse est un fleuve vivant, pas un objet de musée, a pour habitude de dire Thich Nhat Hanh. Dès lors, rien ne sert de philosopher sur la pleine conscience… mieux vaut la pratiquer ! C’est ce que je fais par une belle journée printanière à Noisy-le-Grand, en région parisienne. Il y a des lieux hors du monde, qui sont comme des îles. Ils offrent le calme nécessaire pour se ressourcer. Tel est le cas de la Maison de l’Inspir, accrochée à la colline. Envie de fredonner, ceux qui vivent là ont jeté la clé : pas besoin de prévenir, tout le monde est le bienvenu (mais mieux vaut se signaler à l’avance si l’on décide de rester plus d’un jour). J’y suis accueillie par un large sourire, contagieux. Comme à la maison. Certains jours de la semaine sont donc dédiés à la pratique de la pleine conscience (voir site Internet). L’occasion de vivre ce qui est au cœur de l’enseignement de Thich Nhat Hanh, qui a eu la riche idée de détacher ici quelques moines et moniales pour permettre aux citadins de se poser. De ramener concrètement le corps et l’esprit au présent. Dans chaque geste, nous tenterons donc tout simplement (et c’est déjà tellement) de conserver cette attention à l’instant. Sans tension. Un être-là habité de joie !
Revenir à soi, s’ouvrir aux autres
Nous sommes une vingtaine ce matin à la Maison de l’Inspir, de tous âges, tous horizons et différentes nationalités, dans une ambiance familiale. Sur le zafu (coussin de méditation), nous écoutons un enseignement de Thây (maître) Thich Nhat Hanh. Il n’est pas là physiquement, mais sa voix douce et sa présence habitent cette pièce lumineuse. Arrêtez de courir, de vouloir toujours plus. La plénitude est là, en vous. En vivant dans l’ici et maintenant. Rien que l’on ne sache déjà… mais qu’il est si essentiel de rappeler, tant le quotidien nous en tient éloignés ! Après un thé invitant à la rencontre, en route pour la méditation marchée. À pas lents, notre procession descend en silence jusqu’à la Marne (située en contrebas de la rue), sous le regard étonné des promeneurs et des canards. L’herbe, le vent, le ciel et l’eau qui file doucement… Impression que la Terre tourne plus lentement. Je m’ouvre à toutes les sensations, en communion avec le groupe. Les enfants sont nos plus grands maîtres : rien n’échappe à leur vigilance (Oh, le beau papillon !). Leur présence joyeuse nous montre le chemin… Nous voilà en appétit pour savourer le repas, festival (végétarien) de couleurs et saveurs. Au fil de la journée, une clochette tinte régulièrement pour nous inviter à nous arrêter. Les gestes se suspendent dans l’ici et maintenant… Nous prenons alors conscience de ce que nous sommes en train de faire. Fini de fonctionner tels des robots ! L’après-midi se poursuit avec une relaxation intégrale (1 h 30 !). J’habite mon corps. Un bonheur… simple et entier ! Ensuite, jardinage ou observation de la nature en pleine conscience. Nous terminons sur le partage de ce qui a été vécu. Les visages sont ouverts, transformés depuis le matin. Même pour ceux qui ne restent pas, c’est une vraie retraite, tant la journée s’inscrit dans l’éternité. Je pense à la phrase de Woody Allen : Pendant un court instant, tout m’a semblé se mettre à sa place. Et je me suis senti heureux. Le vrai travail commence ici… c’est d’arriver à faire perdurer cette joie, cette présence, au quotidien ! Là est tout l’enjeu de cette pratique méditative qui, loin de nous éloigner de nos vies, nous permet de plonger au cœur de la réalité. En conscience.
Carnet Pratique Site officiel de Thich Nhat Hanh (en français) : www.thich-nhat-hanh.fr Village des Pruniers : www.villagedespruniers.net Maison de l’Inspir : http://maisondelinspir.over-blog.fr Institut Européen du Bouddhisme Appliqué : Pour pratiquer en Belgique la Pleine Conscience selon l’enseignement de Thich Nhat Hanh, le site de l’Union Bouddhique Belge (www.buddhism.be) met en ligne les liens vers les associations qui proposent cette approche. Parmi celles-ci, épinglons notamment le Centre Zen de Pleine Conscience de Liège (http://centrezendeliege.blogspot.com). |
1. La sérénité de l’instant, Thich Nhat Hanh (J’ai Lu, 2009).
2. En juin 1966, contraint à l’exil après avoir lancé un appel contre la guerre du Vietnam, Thich Nhat Hanh fait un pèlerinage pour la Paix à travers le monde. Martin Luther King l’a proposé au Prix Nobel de la Paix en 1967.