« L'herboristerie, on a tout à y gagner »
Que pensez-vous du retour des herboristes ?
J.-M. M. C’est une très bonne idée. Il y a quelques années, alors qu’il était déjà question de réhabiliter ce métier, l’Ordre des pharmaciens avait rétorqué qu’il y avait près de 20 000 herboristeries en France, soit le nombre d’officines françaises ! Mais les faits sont parlants : si le pharmacien possède
le monopole des plantes médicinales, il ne l’utilise pas toujours. Je prescris des préparations magistrales de plantes sèches et, parfois, je suis choqué quand on me rapporte le prix facturé par certaines officines qui sous-traitent de simples tisanes. L’herboriste pourrait résoudre ce problème, à la condition que sa formation soit encadrée par des pharmaciens et des médecins.
Leur absence vous pose-t-elle des inconvénients actuellement ?
J.-M. M. Effectivement, quand je prescris des plantes en vrac, mes patients n’en trouvent généralement pas en pharmacie autrement qu’en gélules. Or certaines plantes sont beaucoup plus actives en tisane que sous forme d’extrait. C’est le cas de l’aubier de tilleul, de la racine de pissenlit ou encore de la feuille d’olivier. Je déplore aussi les abus sur l’internet et même dans certains magasins bio : on trouve désormais des plantes extrêmement délicates à manipuler telles que la griffe-du-chat, une plante d’Amérique du Sud, d’usage très spécialisé. Il est important que les consommateurs puissent acquérir des produits de qualité, avec un conseil pertinent.
Certains pharmaciens voient ce retour comme un risque supplémentaire de dénigrement des médicaments de synthèse. Qu’en pensez-vous ?
J.-M. M. On devrait proposer des médicaments plus sûrs, au lieu de craindre qu’ils soient dénigrés par l’usage des plantes. Je pense qu’à une échelle collective, si les autorités se penchaient sur le sujet, elles constateraient qu’on a tout à y gagner : cette concurrence avec les médicaments conduirait en effet à de moindres dépenses de santé. En outre, la valorisation de cette filière offrirait de nouveaux débouchés à l’agriculture biologique, d’où des bénéfices en terme d’emploi et d’environnement.
En avez-vous discuté avec vos confrères ?
J.-M. M. Oui, ils sont plutôt d’accord sur le fait qu’on réhabilite le diplôme d’herboriste. Et ce serait une bonne incitation pour que des médecins plus nombreux prescrivent des plantes en vrac.