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"Optimiser" la santé : la vérité sur un système à bout de souffle

Il y a des mots à la mode. Prenez « optimisation ». C’est un mot qui fait sérieux, un mot en creux, un mot-valise dans lequel on met un peu ce qu’on veut. Dans le domaine de la santé, vous serez peut-être amené à choisir entre deux formes d’optimisation radicalement opposées, mais qui relèvent et participent de la même situation.

D’un côté émerge l’optimisation de la santé. Il y a encore un an, on aurait parlé de prévention de la santé. En utilisant un mot de la finance, les tenants de cette médecine préventive (lire notre interview du Dr Dominique Bourgouin) rappellent que la santé est avant tout un capital, et que les dépenses qui lui seraient liées sont avant tout un investissement... et on s’asseoit sur les remboursements de la Sécu. Les pro-médecine préventive poussent le patient à protéger sa santé comme on le ferait pour une fortune, notamment de la convoitise des industries en tout genre, agroalimentaire et pharmaceutique en premier lieu.

De l’autre côté, l’optimisation financière immerge les hôpitaux publics jusqu’à leur noyade prochaine. Faisons simple : avant la loi sur le financement des établissements de santé, quand un hôpital n’avait plus d’argent, il frappait à la porte de la Sécu, qui généralement renflouait ses caisses. Depuis cette loi, promulguée en 2003, la tarification à l’activité est le mode de financement unique et implique que la caisse d’assurance maladie paye les hôpitaux à leurs actes médicaux. La ministre de Santé de l’époque, Mme Bachelot, trouvait ce mode de fonctionnement normal. Quelques années plus tard, c’est une émission de France 2* qui fait le bilan de ce système.

Et l’on ne peut que déplorer l’extrême confusion qui règne dans les hôpitaux publics, contraints d’adopter une culture d’entreprise privée tout en assurant comme si de rien n’était les mêmes missions de service public. Comment ne pas avoir envisagé les dérives? Un décès à 23h45 est déclaré à 00h15 afin de facturer une journée d’hospitalisation en plus ; une simple toux devient une pneumopathie aiguë, et dans les cas les plus graves, des interventions plus lourdes et inutiles pour la santé du patient, voire contre-indiquées comme des ablations de la prostate passéS 75 ans, sont effectuées. Derrière, tapie dans l’ombre, certains hôpitaux font appel aux services de cabinets... d’optimisation. Tout est bon, avec eux. Même éplucher les dossiers des malades au mépris du secret médical, pour en tirer le meilleur en termes de facturation à la Sécu.

Deux formes d’optimisation, donc, qui tirent une corde dans des sens opposés, pour nous donner à voir la même situation : des ruines fumantes de notre système de santé surgissent des modèles de soins qui ont un parfum d’Amérique. Dans tous les cas, il nous est urgent de faire le deuil de nos antiques modèles, faire le deuil d’une prise en charge, et accepter, enfin, de se prendre en charge.

* Cash investigation, « Santé : la loi du marché ».


Article publié dans Alternative santé, n°28, octobre 2015. Infos : www.alternativesante.fr.

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