Sauvons nos belles des champs

PUBLIÉ LE 06 mai 2013

 

Sentir la terre exhaler ses premiers parfums fleuris, voir le vert s’émailler à nouveau de jolies couleurs… Le mois de mai réjouit nos cœurs et réveille nos sens. Nous attendons le brin de muguet au coin des rues, le parfum du lilas qui portera notre regard derrière une grille de jardin… Le cliché n’est pas à mettre à mort, mais, encore une fois, pourquoi nous contenter de si peu ?

Je ne sais pas ce que vous vous dites en vous promenant dans la campagne. Pour ma part, je cherche en vain autre chose que des tulipes et des forsythias… Je cherche de l’agastache d’Amérique du Nord, des pois de senteur Spencer géants bleus, de l’achillée blanche, de la menthe chocolat pour me faire une tisane de retour de promenade… Au passage, cela fait une décennie que je n’ai plus croisé un bleuet dans les champs. Alors qu’en montagne, des promeneurs avertis me disent regretter la sabline à grandes fleurs… Selon le programme de l’ONU pour l’environnement, 70 % des fleurs sauvages auraient disparu ainsi depuis les années quatre-vingt, notamment des menthes, des variétés de pois et de nombreuses herbacées vivaces.

On a peine à le croire aussi quand on fait son marché ou, pire, qu’on pousse son caddy devant les étals de fruits d’un hypermarché : il existerait plus de 600 variétés de tomates ! Côté magasins, plus c’est grand, moins il y en a, pourrait-on dire. En ce mois de mai, où sont les asperges Jacq-Ma pourpres et leurs griffes violettes ? Le pourpier doré ? Les radis Hélios ? Les navets de Norfolk à collet rouge ? Et combien de kilomètres faudra-t-il parcourir cet été pour déguster des tomates noires de Crimée ou de belles cornues des Andes ?

À défaut d’observer en ce printemps une profusion qui n’est plus, adressons un immense merci toutes les associations qui se battent pour réintroduire, sauver et multiplier ces végétaux rares. Parmi elles, la Ferme de Sainte-Marthe, Saveurs de Terroirs, Oh ! Légumes oubliés ou encore Kokopelli, qui conserve et propose à la vente plus de 1 700 variétés de ces plantes potagères, céréalières, médicinales, condimentaires et ornementales que nous aimerions pouvoir admirer plus souvent. Fer de lance du combat pour la biodiversité, Kokopelli propose depuis 2002 à tous ceux qui le souhaitent de parrainer une semence. Afin que toutes ses variétés de collection trouvent un jardin refuge. Rouge de Russie, Belle Angevine, Rocoto Orange… Depuis ses débuts, cette campagne permet la préservation et la conservation vivante de plus de 650 variétés anciennes, principalement potagères. Plus de 500 jardiniers y ont participé. L’association a également créé un réseau international afin de préserver l’indépendance alimentaire des paysans dans le monde, grâce à la reproduction et à l’échange sans frontières de ces semences. Des échanges qui ne sont rien moins que le pendant écologique du système en place de brevetage des végétaux, d’inscription au catalogue officiel, d’interdiction pour les agriculteurs de replanter leur récolte, et de dépendance aux produits phytosanitaires et aux OGM…

Bio Info adresse un grand merci aussi à tous les producteurs de variétés anciennes qui nous permettent aujourd’hui de voir malgré tout un peu plus de couleurs sur les étals de nos marchés. Ils sont rares, mais en ce moment, près de chez vous, certains sont peut-être en train de semer de la scorsonère géante noire de Russie, de la tétragone cornue, ou de repiquer des poires-melons. Partez à leur rencontre ! C’est en produisant et en consommant local que nous pourrons opérer une vraie révolution en faveur de la biodiversité. Contre les pressions et le pouvoir des semenciers, encore plus pesant depuis que le président Obama a offert l’immunité aux cultures OGM de Monsanto le mois dernier, le panier et le carré de jardin sont les meilleures armes.

Isabelle Petiot

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