Cosmétique : slow is smart
Pour ceux qui l’ignorent, Julien est l’homme qui jette des pavés dans la mare. Sur son blog1 aussi instructif qu’amusant, cet esthéticien belge émule de Rita Stiens2 crache avec elle dans la soupe chimique de l’industrie cosmétique. Il développe aujourd’hui dans un livre le concept de slow cosmétique (voir encadré). Comment en est-il arrivé là ? Après des études de sciences politiques qui l’enthousiasmaient assez peu, Julien part en Californie se former comme skin care therapist. En stage chez un dermatologue, il entre de plain-pied dans le monde de la beauté glamour par la porte du botox et du regonflage de lèvres, se souvient-il. De retour chez nous, il obtient un diplôme d’esthétique avant d’ouvrir un centre de beauté en 2002. Il se fait un nom – les mâles diplômés de la discipline sont rares – et de grandes marques lui confient l’élaboration de protocoles d’application de soins pour hommes. Tout cela le passionne jusqu’au jour où il s’intéresse de plus près aux formules des cosmétiques. Le choc : une soupe de composants issus de la chimie de synthèse. « Les écoles d’esthétique forment de très bons praticiens et praticiennes mais on n’y n’apprend pas à lire les étiquettes ni à avoir un regard critique », avoue Julien.
Retour à la nature
Dans la foulée, il entame une formation en aromadermatologie à l’Institute of Traditional Herbal Medicine and Aromatherapy, à Londres, complétée par un cursus au Collège International d’Aromathérapie à Ghislenghien, où il enseigne désormais. « Après ça, je ne pouvais plus cautionner la cosmétique conventionnelle », plaide-t-il. Sa route vers la nature est tracée. Dominique Baudoux lui demande de formuler une gamme d’aromathérapie cosmétique bio pour les laboratoires Pranarôm. « J’ai alors pensé à trouver un terme pour symboliser ce que je défends, raconte-t-il. Et qui va plus loin que la cosmétique bio. C’est une remise en question de la définition même de la beauté débouchant sur un changement radical de nos comportements d’achat et de nos gestes de soin. » Inspiré par le mouvement Slow Food, Julien baptise son concept Slow Cosmétique. Il explique : « Superposer cinq crèmes en les croyant plus efficaces qu’un massage du visage, ce n’est pas slow. Céder sans cesse aux sirènes du marketing non plus. On est dans un cycle de consumérisme effréné ». Des dizaines de nouveaux produits sortent chaque mois, présentés comme de véritables révolutions à coups d’études dont les résultats ne sont souvent pas visibles à l’œil nu. Certes, reconnaît-il, les marques poussent véritablement la recherche et le développement d’actifs. « Mais les chercheurs oublient de se poser une question pourtant essentielle : pourquoi aller chercher en Amazonie une plante qui sera formulée à 1 % dans un produit noyé de silicones et autres matières synthétiques issues de la chimie lourde ? Pour quel véritable effet, pour quelle amélioration de la condition humaine ? »
Même pas peur
Une prise de position qui risque de déplaire. Mais Julien ne craint pas la polémique. Il a bâti son ouvrage sur une documentation et une argumentation puisées dans ses connaissances en dermatologie, aromathérapie et esthétique. « Ce n’est pas un livre de critiques acerbes. C’est un outil pour mieux consommer. Je ne cite pas de marques, je n’établis pas de listes noires et je nuance mon propos. » Le débat, il l’appelle de ses vœux, pour arriver à conscientiser tous ceux et celles qui ignorent encore qu’ils s’enduisent depuis des années de crèmes, déodorants, gels douches, et autres, bourrés de phénoxyéthanols, de polyéthylènes glycols, de silicones – qui au mieux sont des matières inertes, au pire, carrément toxiques pour l’homme et/ou l’environnement – emballés le plus souvent de surcroît dans des matériaux polluants.
Slow cosmétique, mode d’emploi
Préfacé par Jean-Pierre Coffe, porte-voix agitateur d’une alimentation naturelle et locavore dont Julien serait l’alter ego de la beauté, le livre de Julien Kaibeck se veut le mode d’emploi de la slow cosmétique. Après avoir rappelé ce qu’est notre organe peau et quels sont ses véritables besoins, l’auteur évoque les dangers de la cosmétique conventionnelle avant de nous mener vers la déconsommation, nous invitant même à l’occasion à fabriquer nous-mêmes nos produits de soin. C’est ce qu’il appelle une révolution douce, saine et naturelle, mais qui exige tout de même un certain engagement.
Adoptez la slow cosmétique, conseils et recettes de beauté pour consommer moins et mieux, de Julien Kaibeck, Leduc Éd.
Retrouvez chaque mois le conseil Beauté naturelle de Julien dans votre Bioinfo.
1 www.lessentieldejulien.com
2 La Vérité sur les cosmétiques, de Rita Stiens, Leduc Éd. ; www.laveritesurlescosmetiques.com