À Rennes, Biocoop passe à l’holacratie
Le bio n’aime plus les chefs ? Dans la région rennaise, Biocoop Scarabée, employeur de 130 salariés dans quatre magasins et trois restaurants, vient de changer d’organisation de travail : la structure a adopté l’holacratie.
Scarabée Biocoop est la plus grande coopérative de distribution de produits bio en France. Elle est la seule à fonctionner dans un mode de gouvernance appelé holacratie. « Ce dispositif est adapté aux chefs d’entreprise qui veulent une organisation plus humaine », convient Isabelle Baur, membre du directoire de l’entreprise. « Il correspond à nos valeurs intrinsèques : nous ne sommes pas simplement bio et protecteurs de la planète. Nous sommes créateurs et protecteurs de l’emploi. »
En juillet dernier, Isabelle Baur et les trois autres membres du directoire, Marc Chevalier, Pascal Le Déan et Remy Dourdain, sautent le pas de l’holacratie. Ils contactent le cabinet IGI Partners, se forment et présentent leur projet aux salariés. « Nous avons eu un oui franc et unanime. » Dès l’aval de leurs collaborateurs, le dispositif se met en place. « En décembre, la décision formelle est prise de passer en holacratie et de signer notre nouvelle constitution du travail le 11 février. »
Redistribution du pouvoir aux salariés
Dès le lendemain, le 12 février, le système pyramidal et traditionnel est voué aux gémonies. Scarabée Biocoop opte pour une nouvelle aventure managériale. « La première et plus importante question que nous nous sommes posée était : quel est l’ADN de Scarabée ? Après une cogitation intense, notre raison d’être a émergé : bio, créateur, exemplaire ! » En définissant un cap à suivre, tout le monde pouvait travailler dans le même sens et partager les mêmes valeurs. « L’holacratie fonctionne comme un corps humain, en milliers de cellules toutes indépendantes les unes des autres. Elle redistribue le pouvoir aux salariés. » En fonction de ses compétences, chaque employé a ses propres tâches.
« Chaque personne a la totale responsabilité de prendre les actions qui s’imposent, de mettre le doigt sur des nœuds organisationnels et de proposer sa créativité, sans passer par aucune hiérarchie. » Mais cette liberté n’est pas anarchie. « Elle doit être définie dans un cadre. Dans nos cellules de travail (restaurant ou magasin), nous avons des réunions de triage où tout le monde propose ses projets et des réunions de gouvernance où l’on prend des décisions. Les objections sont prises en compte si elles sont argumentées et si elles ne vont pas à l’encontre des intérêts de l’entreprise. Elles sont votées neuf fois sur dix si elles ne commettent pas du tort à notre société. »
L'holacratie pas que dans le bio
Chez Biocoop, le directoire n’est plus dans l’opérationnel. « Nous sommes là pour conserver la ligne stratégique dans les prochaines années, les relations avec les délégués du personnel et le travail sur la grille de salaires. » En réinventant son management, l’entrepreneuse milite pour une entreprise plus sociale, plus humaine, plus responsable. « En leur confiant des responsabilités, les salariés seront plus attentifs à leur travail. Notre entreprise sera plus performante, bien plus rentable et plus mobilisée. Il n’y aura plus d’égo de chefaillons. Nous arrêterons les jeux de pouvoir. Bref, tout le monde bossera dans le même sens et bien plus vite. »
Et cela fonctionne. Mais pas simplement dans le bio… « Nous lançons un pilote avec Décathlon », explique Bernard Marie, responsable du cabinet IGI Partners. « Nous travaillons avec Danone, Castorama, dans le High Ty, Kingfisher et bien d’autres encore. » Les uns veulent plus d’humanité dans leur entreprise, les autres beaucoup plus de performance. L’holacratie séduirait de fait de plus en plus d’entrepreneurs. « Nos clients sont des pionniers dans leur domaine. Des gens exceptionnels, brillants, des managers expérimentés et solides. » L’an dernier, Scarabée Biocoop a réalisé 23 millions d’euros de chiffres d’affaires, avec une progression de 10 % par rapport à 2013. La coopérative prévoit une prévision de 7 % en 2015. De quoi juger l’arbre à ses fruits. Quand l’humain est un souci, le chiffre suit !