Ecoidées : quand importation et écologie font bon ménage
Des chips de coco en Alsace ? Seule la chaleur du jour retrace cet exotisme. Car de l’extérieur, dans cette zone industrielle du Bas-Rhin, impossible de déceler de la fantaisie ! L’activité d’Écoidées bat pourtant son plein, ici, à Soultz-sous-Forêts. « On a fait + 30 % l’année dernière », lance Pierre-Alexandre Huber, en s’excusant du petit show room « anecdotique », contrastant avec une « croissance exponentielle ». Effectivement : les quelques étagères en bois, agrémentées de sachets en tout genre, ne rencontrent qu’une poignée de clients par jour. La salle de stockage est nettement plus impressionnante, mais le « bâtiment est d’ores et déjà trop petit ». On l’aura compris, l’entreprise, ses quatre marques et ses onze salariés se portent bien. « C’est très rassurant au vu de notre histoire… » Attablé dans la salle commune, devant une coupelle de pignons de cèdre – pour les petits creux – et une autre de sucre de coco pour le café, le fondateur d’Écoidées se raconte.
Erreur assumée
« J’ai coulé la boîte en 2009. » Pierre-Alexandre Huber est un homme de voyages, mais pas de détours. « L’intégralité de l’argent gagné à cette époque a été utilisée pour acheter des noix de lavage [le fruit du savonnier, ndlr] qu’on ne vendait plus. Il a fallu licencier. » Le marché s’était écroulé en quelques mois et le fournisseur sur place risquait (très) gros. Au même moment, l’équipe doit détruire un stock de baies de goji qui n’étaient pas aux normes. La faute aux pesticides. Il ne cache pas sa responsabilité : « J’ai tout appris sur le tas, je suis l’exact opposé d’un ancien élève en école de commerce. » À 18 ans, ce saxophoniste est le plus jeune enseignant au conservatoire de Strasbourg. « Je pensais musique, je vivais musique mais un voyage en Inde m’a fait basculer. » Cliché ? Peu importe. Le jeune homme prend conscience d’un monde « matérialiste et superficiel » ; il est d’ailleurs déjà bénévole dans l’associatif. C’est le début d’allées et venues sur les quatre continents, quatre à cinq fois par an aujourd’hui.
Entreprise pionnière
Montée en 2005, la SARL est constituée de Lumière de sel (qui vend du sel de l’Himalaya), d’Écoidées (les produits d’entretien), de Biosagesse (l’alimentaire et le sans gluten) et d’Ethno science, la marque phare aux super-aliments. C’est à la suite d’un problème de santé que Pierre-Alexandre Huber s’intéresse aux savoirs anciens et fonde Ethno science, « qui a pris comme un feu de forêt ».
Les produits en vogue ? Le sucre de coco et le Psyllium, une variété de plantain indien qui a la capacité de gonfler jusqu’à cinquante fois son volume dans l’eau. « C’est spectaculaire pour la santé intestinale, affirme le quadragénaire aux yeux bleu gris. Et mieux que les graines de chia ou de lin. » L’entreprise se veut pionnière. En 2009, elle vendait 500 kg de baies goji par an, contre 9 tonnes par mois l’année suivante, le succès de ce super-fruit aidant. « Voyez ce qui fonctionne aux États-Unis, en Angleterre ou en Allemagne, et deux à trois ans après, ça explose en France. »
Du bio sans compromis
Dans les locaux, des bureaux sobres et un peu vides. Il n’y a pas grand-chose de plus à l’horizon. La richesse de l’entreprise, c’est plutôt cette philosophie : « En important des produits de pays en voie de développement, on utilise leurs ressources pour nous « enrichir ». La moindre des choses, c’est de leur en retourner une partie ! » En Indonésie, par exemple, Écoidées participe au développement d’une coopérative et finance un centre d’accueil d’enfants des rues. « Je peux désormais m’investir dans des actions solidaires et équitables, ce que notre chiffre d’affaires ne nous permettait pas avant », précise Pierre-Alexandre Huber, en insistant sur la qualité des filières. Il y voit la cohérence entre un curcuma des Philippines ou un cacao d’Équateur. Et pour les labels ? « C’est sans compromis. » Seule la stevia n’est pas certifiable en bio.
Parler alimentation biologique avec ce végétarien convaincu depuis vingt-cinq ans, c’est se confronter « à une nécessité écologique absolue ». Et ses produits de niche, oui, ont un prix : « Cela coûte forcément plus cher d’enlever les mauvaises herbes à la main plutôt qu’avec des pesticides. »
Locale et sociale
Aujourd’hui, un technicien installe des caméras de sécurité. Le chef d’entreprise s’éclipse un instant, tandis que sa femme, Samia Huber, me rejoint. « Je m’occupe de la gestion du quotidien et des importations », précise-t-elle. Cette ancienne éducatrice spécialisée est aussi à l’origine de la filière de pignons de cèdre, venus de Sibérie. En aparté, nous évoquons la meilleure considération des personnes handicapées en milieu professionnel. Ici, 90 % de l’activité d’Écoidées est conditionné par des travailleurs handicapés.
« Nous avons mis l’accent sur l’économie locale, ajoute son mari. Quand on est arrivé, il n’y avait pas d’entreprise qui pouvait à ce point faire de la sous-traitance ; par exemple, la prison de Strasbourg a développé un département de conditionnement pour nous. » Quant à l’équipe, « elle est adorable et dévouée », ce qui explique l’attention du patron pour « la qualité de vie de [ses] employés » : projet de permaculture collectif, abonnement à la salle de sport pris en charge pour moitié… Et puis, à la rentrée, le fils viendra ajouter sa pierre à l’édifice familial, par le biais d’un BTS en alternance.
(Photos Émilie Drugeon)
Ecoidées 2, rue Felix Dournay 67250 Soultz-Sous-Forets, Tél. : 03 88 80 59 75 . Infos : www.ecoidees.com.
Au Cambodge : raviver les savoirs, un projet tout sucre
Thnot. C’est le nom de « l’âme du Cambodge », dixit Pierre-Alexandre Huber, fondateur d’Écoidées. En réalité, un arbre endémique. « Nous participons à la formation des récoltants qui ont des palmiers à sucre sur leurs terrains, car le savoir-faire s’est perdu pendant la guerre avec les Khmers rouges. Cela leur fera un complément de revenus pendant la saison sèche, lorsqu’ils ne cultivent pas le riz. » L’attestation commerce équitable, pour vendre ce sucre bio, ne saurait tarder. En attendant, Écoidées soutient la scolarité de petits Cambodgiens. Les enfants Huber, eux, sont déjà venus sur place : « C’était important de les mettre dans le bain. »