Éco-gastronomie : une poule sauvée de l’oubli
C’est à la fin du XIXe siècle que sont fixés les standards de la race : la poule d’Alsace à la forme moyenne et trapue a une crête frisée, une queue en éventail avec des tarses de couleur bleu ardoisé et des oreillons petits et blancs. La poule noire est la plus commune, mais elle se décline aussi en doré saumoné, blanc et bleu à liseré foncé. C’est une volaille de type mixte. Sa chaire blanche présente de fortes qualités gustatives mais elle pond aussi abondamment de grands œufs à la coquille blanche.
Une cocotte pas ordinaire
Malgré ces qualités, le développement de la race va rencontrer de multiples obstacles : la grande histoire, déjà, avec une Première Guerre mondiale funeste, puis la concurrence des races étrangères. La poule noire d’Alsace est une race pure non hybridée avec celles à fort rendement (asiatiques et américaines) contrairement à toutes les volailles des filières label et standard actuelles. Elle nécessite une longue durée d’élevage, de cinq à six mois en plein air, contre trois mois pour les races élevées par l’industrie agroalimentaire.
Du fait de ces singularités, non conformes aux exigences de rentabilité de la filière industrielle, elle disparaît quasiment dans la seconde moitié du XXe siècle. Seuls quelques amateurs continuent d’en élever avec passion. Au début des années 2000, la race prend cependant un nouvel élan avec la création de l’Association des éleveurs de races poule d’Alsace (AERPA) et un projet de sauvegarde soutenu par le convivium alsacien du mouvement Slow Food, le Schnaeckele. Elle entre dans l’Arche du goût de Slow Food en 2013, tandis que les éleveurs se mobilisent pour que la souche persiste. Cette attention croissante profite à la race : on compte moins de trois cents spécimens avant 2009 mais plus de deux milles en 2013. Et la poule d’Alsace a pu être admirée au salon européen de Slow Food en 2013 et au Salon du goût de Turin en 2014.
L’Alsace promeut sa poule
La prochaine étape est sur le point d’aboutir avec l’obtention du statut de Sentinelle. Une reconnaissance supplémentaire pour les éleveurs qui, grâce au soutien de la Région Alsace et de quelques mécènes, peuvent continuer le travail de sélection de la race et créer une filière commerciale pérenne (vente directe et circuits courts).Espérons qu’ainsi d’autres éleveurs se lanceront dans l’aventure. Des restaurateurs et des clients alsaciens sont déjà conquis par la saveur de cette poule. Le combat a été long, souhaitons-le victorieux pour sauvegarder cette race ancienne, clé de la biodiversité avicole française. Mais aussi trésor de la gastronomie et du patrimoine alsaciens.
Où en trouver ?
Sur les marchés et directement à la ferme des éleveurs de la poule d’Alsace :
Gilbert Schmitt, 19 rue du Ried, 67870 Bischoffsheim.
William Girard, 6 Ferme Neuenmatten, 67190 Grendelbruch.
Francis Humann, 15 avenue de la Concorde, 67120 Ernolsheim-sur-Bruche.
Georges Kuntz, 168 avenue d’Altorf, 67120 Dachstein.
*Slow Food est une association internationale créée en 1986 en Italie, qui défend une nourriture « bonne, propre et juste » pour tous, notamment en revalorisant les produits traditionnels du monde menacés de disparition. Info : www.slowfood.fr.
À lire sur notre site :
Éco-gastronomie : le rancio sec revient de loin
Éco-gastronomie : le cresson de fontaine, une salade menacée par l’agriculture intensive