La nature mieux que l’artifice

PUBLIÉ LE 09 juillet 2013

 

Ce qui nous attendrit enfants nous laisse parfois amers adultes. Ainsi en est-il des zoos, qui offrent un spectacle que je trouve chaque année un peu plus pathétique. Qui d’entre vous ressent vraiment de la joie à parcourir ces dédales de cages aux décors de carton-pâte, remplis d’animaux sous calmants et atteints, pour un grand nombre, de comportements maladifs ? C’est lors de ma dernière visite dans ce genre de parc d’attraction, à Barcelone, que je me suis réellement interrogée sur mon sentiment.

D’abord amusée par les gros derrières flottants des hippopotames à la peau luisante comme celle des aubergines, par l’apathie des girafes, trop grandes pour s’affoler de nos manœuvres, et par des singes espiègles et surexcités… j’ai terminé cette balade dans une impression dominante de tristesse. Choquée devant l’ours brun du zoo, qui se frappe la tête d’une patte à intervalles réguliers en tournant en rond dans sa fosse artificielle, j’ai presque ressenti de la rage devant le léopard pris lui aussi de TOC dans sa cage trop étroite. Et finalement aussi devant l’eau trouble et fangeuse des animaux aquatiques, et devant les vitres blindées auxquelles se heurtent les singes.

Tout ça pour quoi ? Jusque-là, je pensais, comme vous peut-être, que les zoos, qui sont nombreux à participer à des programmes de sauvegarde d’espèces menacées, étaient en eux-mêmes des lieux de conservation. Une sorte de bibliothèque internationale de gènes. Il n’en est rien (ou pas grand-chose) : selon l’International Zoo Yearbook, on ne trouve dans les zoos du monde que 120 des 5 920 espèces sur liste rouge, dont 16 % ont fait l’objet d’essais de réintroduction dans la nature, avec un résultat… dérisoire.

Ensuite, les animaux prétendument « conservés » font l’objet d’une probable dérive génétique. Ils sont le fruit de naissances programmées et d’échanges entre structures. Frappés de consanguinité et incapables de se réadapter à leur biotope d’origine, ces animaux de musée constituent presque une espèce à part.

Dès lors, l’argument pédagogique soutenu par les zoos tombe aussi dans la mare aux hippos. Montrer à des enfants un ours polaire dans un aquarium en train de dévorer sa viande préparée sur une banquise en béton, abattu par les 35 °C d’un été espagnol, c’est lui mentir. En revanche, nos enfants, comme nous, ne connaissent pas la moitié de notre faune indigène. Problème !

Je ne sais pas si je boycotterai le zoo lors de mon prochain voyage, mais je suis désormais bien sûre de souhaiter la fermeture de la plupart d’entre eux. Cela peut paraître radical, mais en une vie, on ne peut pas tout connaître et tout voir. Ainsi tant mieux si certains ont la chance de voyager et de rencontrer des animaux exotiques. Pour nous autres… tant pis. Je préfère admirer un koala en pleine nature qu’au zoo de Beauval, dans le Loir-et-Cher, où ce pauvre marsupial fait des séances d’UV à cause du manque d’ensoleillement. Un panda de Chine n’est pas fait pour voyager en avion ! Au passage, notez bien que ceux qui séjournent dans le décor de pagodes et cascades de Beauval nous coûtent pas moins de 750 000 € par an de location à la Chine. Dans cette mise en scène, ce n’est pas tant le business qui me choque que l’artifice. L’enthousiasme des curieux qui ont gardé un esprit d’enfant me choque moins aussi que l’apathie de ces bêtes névrosées, qui auraient gardé toute leur splendeur dans leur milieu naturel.

Isabelle Petiot

5 commentaires • Ajouter le votre ?

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MAYA
31 janv. , 2014, 09:51
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J'ai moi-même eu le même sentiment en voyant dans un zoo Parisien, un léopard faisant les 100 pas dans un petit espace avec vitrine pour bien observer sa détresse ! Cela m'a tellement attristé que mes amis et moi-même avons quitté le zoo vite fait trop bouleversé. Je n'y retournerai plus!

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Wagner Mellier
04 oct. , 2013, 10:30
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Il y a quelques temps déjà que je ne vais plus au zoo car je suis infiniment triste de voir des animaux qui vivent loin de leur domaine naturel, ils sont privés de leur liberté et je trouve çà intolérable.
Et si nous mettions des humains (pour soi-disant préserver l'espèce) derrière des vitres, qu'en serait-il?


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Lydia
30 sept. , 2013, 21:18
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Bravo, à ces commentaires d'une grande lucidité! Lorsque je regarde les oiseaux de mon jardin, boire l'eau que je leur mets, ou qu'ils se baignent dedans, il ne me viendrait pas à l'idée de les mettre en cage. Apprenons à nos enfants à regarder la nature telle qu'elle est, et là où elle se trouve !

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Andrée
14 août , 2013, 19:46
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l'article "la nature mieux que l'artifice" est REMARQUABLE de lucidité ; il ose lever le voile sur la triste réalité des zoos qui se justifient sans cesse par une soi-disant sauvegarde des espèces menacées...il faut savoir que les banques de sperme, outre les échanges intra et extra structures, sont parfois alimentées par des prélèvements d'animaux sauvages sur leur habitat, d'où captures, stress et bidouillages.
il y a longtemps que j'ai pensé que si on voulait voir le Mont Blanc il fallait aller sur place... s'il advenait un jour qu'on puisse le déplacer, bien des appétits mercantiles n'hésiteraient pas à le mettre sur roulettes ! (en attendant, il devient un vrai boulevard pollué d'ailleurs !)
tant qu'il y aura des payeurs, les spectateurs, bien naïfs ou égoïstes, il y aura ces abus... j'avais conclu une fois, auprès d'une directrice de zoo US, en faisant allusion à ses pratiques qu'elle défendait bien sûr (il s'agissait de chimpanzés), que le monde était rempli de prisons et ne manquait pas de geôliers.
c'est hélas toujours d'actualité.
en tout cas bravo, pour l'article et pour votre revue digne d'intérêt.


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Chat49
18 juil. , 2013, 22:11
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Bonjour ..
comme je suis d'accord avec vos paroles Isabelle depuis des années je plains toutes ses pauvres bêtes enfermés dans les zoos ,j'y es mis les pieds une fois dans la vie pour voir les animaux ,franchement ça m'écoeure et ça me fait mal de voir ça !


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