Méditations plurielles

PUBLIÉ LE 21 décembre 2012

« Apprendre l’art de la méditation est le cadeau le plus précieux que vous puissiez vous faire dans cette vie », atteste Sogyal Rinpoché. Ce maître tibétain, nourri de la tradition millénaire de la méditation, est aujourd’hui rejoint par la communauté scientifique, qui démontre les nombreux effets bénéfiques des pratiques méditatives sur l’organisme. En ces temps agités, offrons-nous donc ce merveilleux présent de méditer pour enrichir notre quotidien. Et tranquilliser chaque instant. En pleine conscience.

 

 

Le jour pointe. Je médite, puisant ainsi au matin calme l’énergie et la concentration pour la journée qui s’avance. Au fil des minutes, ma méditation révèle toute la saveur de l’instant, traversé du chant des oiseaux, de la lumière qui éclot, du souffle qui m’anime… Je me sens plus que présente. Vivante. Dans les heures à venir, cette qualité d’être vibrera au cœur de chacune de mes activités, de mes rencontres. De chacune de mes cellules. Les jours où (pour les mauvaises raisons) je ne prends pas ce temps nourricier, la différence est nette : je suis plus sensible aux morsures du stress, mon attention est diluée, tout devient plus lourd.

Je médite, nous méditons

Bien plus qu’une simple pratique, la méditation est un art de (mieux) vivre, qui séduit de plus en plus de nos contemporains. Aujourd’hui, au-delà des cercles et des pratiquants avertis, on médite aussi à l’hôpital, en prison, dans les écoles, les conseils d’entreprise et les organisations internationales. Un succès croissant que l’on doit notamment à l’incroyable diffusion, aux quatre coins de la planète et dans des champs inédits, de la pratique de la mindfulness ou « pleine conscience », via le programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction ou Réduction du stress basée sur la pleine conscience), développé par Jon Kabat-Zinn [voir interview]. Cette méditation, que l’on pourrait qualifier de laïque, apporte une solution concrète, preuves scientifiques à l’appui, au cortège de maux et de souffrances, comme le stress chronique, propres à notre époque qui galope.

Trois questions à Jon Kabat-Zinn

Fondateur d’une clinique de réduction du stress et du fameux programme MBSR (Mindfulness-Based Stress Reduction ou Réduction du stress basée sur la pleine conscience), Jon Kabat-Zinn contribue largement à faire rayonner la « pleine conscience ».

Pourquoi avoir mis l’accent sur la pleine conscience qui n’est qu’une des facettes de la méditation bouddhiste ?

L’enseignement classique du bouddhisme est complexe. Or il était important pour moi de mettre en avant un vocable, une approche, qui ouvre le plus largement possible à ce gigantesque univers et qui vienne nous toucher d’une manière universelle, que l’on soit bouddhiste ou non, que l’on ait une croyance ou non. Une pratique qui puisse procurer des effets positifs et un soulagement, déjà au bout des huit semaines que dure le programme de réduction du stress basée sur la pleine conscience (MBSR).

De quelle manière avez-vous réussi à opérer ce pont entre médecine et méditation, dans un milieu scientifique peu enclin à faire ce lien ?

Tout est venu d’une vision que j’ai eue lors d’une retraite de méditation, et qui est à l’origine du développement de la MBSR. Cette vision d’une dizaine de secondes m’a révélé combien il serait puissant d’amener la pratique de la pleine conscience dans le champ de la médecine où je travaillais déjà. Je cherchais d’une certaine manière à aligner ma pratique scientifique et méditative. Développer cette voie de la pleine conscience à l’hôpital semblait pertinent, étant donné que c’est un aimant à dukkha [dans le bouddhisme : souffrance ou insatisfaction, NDLR].

En quoi consiste le programme de réduction du stress basé sur la pleine conscience (MBSR) ?

L’idée était de développer, pour les patients qui n’étaient pas pleinement satisfaits des traitements habituels, un programme au sein même de l’hôpital qui serait un entraînement intensif à la méditation bouddhiste… sans le bouddhisme. Il ne s’agit pas pour autant de simplifier ou de tirer le dharma (l’enseignement du Bouddha) vers le bas, mais bien de le re-conceptualiser pour le rendre accessible aux personnes. De proposer ainsi quelque chose que les patients peuvent faire pour eux-mêmes – une sorte d’auto-éducation, en complément des traitements classiques. Ce programme en huit semaines aide les patients à faire tout un travail sur eux-mêmes, sur leur esprit et leur relation à la souffrance.

À lire

 « Où tu vas, tu es. Apprendre à méditer pour se libérer du stress et des tensions profondes ». Éd. J’ai Lu, 2005.

 « L’éveil des sens. Vivre l’instant présent grâce à la pleine conscience ». 
Éd. Les Arènes, 2009.

 « À chaque jour ses prodiges. Être parent en pleine conscience », coécrit avec Myla, son épouse. Éd. Les Arènes, 2012.

 

Et si la paix était possible ?

Dans l’agitation ambiante, l’Homo modernus se crée une vie tellement trépidante qu’il a peu de chance de se rencontrer. Notre organisme est certes outillé pour s’adapter au changement, mais quand le stress devient trop intense et surtout chronique, il devient difficile de faire face. S’enclenche alors une cascade d’effets délétères affectant le corps et l’esprit. « Force est de constater que, depuis l’arrivée de l’internet et d’une connectivité permanente, nous sommes sollicités vingt-quatre heures sur vingt-quatre, sept jours sur sept, et relâcher la pression est devenu un vrai défi. D’où une augmentation du niveau de stress », partage Claude Maskens, instructrice en mindfulness (pleine conscience), enseignante de yoga et psychothérapeute.

Le stress actuel provoque une projection incontrôlée de soi-même vers l’extérieur, un décentrement. L’urgence est donc de rétablir l’équilibre intériorité-extériorité. C’est là qu’intervient la méditation. Elle permet de ramener l’esprit à sa demeure. « D’être enraciné dans le ventre, libre dans la tête, habité dans le cœur », comme le dit joliment le père dominicain Philippe Maillard, ancien avocat vivant aujourd’hui près des pauvres, à Lille. Tourner son regard vers l’intérieur grâce à la méditation est aussi une voie pour mieux se comprendre et mieux comprendre les autres. « C’est une vraie pratique de paix, de non-agression et de non-violence », note le maître bouddhiste tibétain Sogyal Rinpoché (auteur du « Livre tibétain de la vie et de la mort », éd. de La Table ronde, 1993).

Je médite donc je suis

C’est donc tout le contraire d’une occupation égoïste. En méditant, il ne s’agit pas de cultiver une attention « sèche », ni un ego refermé, mais une ouverture du cœur. Jon Kabat-Zinn a l’habitude de dire : « No mindfulness with-out heartfulness » (pas de pleine conscience sans pleine présence du cœur). « Or ouvrir son cœur implique d’aller voir et d’accueillir aussi ce que l’on aurait envie de rejeter : ses zones d’ombre, les problèmes relationnels, les événements difficiles. Cela demande beaucoup de bienveillance et de travail sur soi. C’est une voie de réconciliation de l’être à l’infini, car pour se voir soi, il faut aussi arriver à voir l’autre », précise Claude Maskens. À l’inverse de ce que peuvent penser ceux qui la méconnaissent, la méditation ne revient pas à s’enfuir du quotidien. Ce serait plutôt affirmer une présence. À soi-même, aux autres, au monde. À cette vie à côté de laquelle on passe trop souvent. Loin d’être passive, cette pratique engage tout l’être. En nous permettant d’être présent… au présent, la méditation nous rend notre pouvoir d’action. « On a constaté que dès que nous avons une emprise, même minime, sur ce qui se passe, nous sommes moins stressés, relève Claude Maskens. Méditer c’est, tout simplement et merveilleusement, éprouver la liberté d’être. »

Méditer transforme le cerveau, comme le révèlent les recherches de ces dernières années. Une révolution, tant la science occidentale a longtemps pensé que le cerveau (l’organe et ses structures) se formait dès la petite enfance pour ne changer que très peu, si ce n’est dans le sens de la dégénérescence. Or, depuis des millénaires, le bouddhisme et l’hindouisme clament que l’esprit humain est doté d’un formidable potentiel de transformation, à même d’être activé par l’entraînement spirituel et la méditation. Voilà donc que les neurosciences rejoignent la sagesse traditionnelle. « Les récentes études en neuroplasticité – la faculté que possède le cerveau de se modifier en réponse au vécu – révèlent en effet que le cerveau est capable de changer sa structure, de se re-câbler, voire de générer de nouveaux neurones », explique Sharon Begley, journaliste scientifique et auteur d’un ouvrage sur le sujet 1. En d’autres mots, notre cerveau s’adapterait ou se développerait en réaction à des schémas d’activité réitérés. Et cela jusqu’à un âge avancé. « Le cerveau que nous développons est donc le reflet littéral de la vie que nous menons », s’enthousiasme le dalaï-lama lui-même.

À l’université du Wisconsin, le neuroscientifique Richard Davidson a évalué les effets de la méditation. Il a notamment soumis à des tests en laboratoire un groupe de moines bouddhistes (parmi lesquels le photographe et auteur Matthieu Ricard), ayant à leur actif des milliers d’heures de méditation. « Entre autres découvertes clés, Richard Davidson a ainsi pu démontrer qu’au cours d’une méditation sur la compassion, ces contemplatifs activaient, à un degré jamais vu auparavant, des aires neurales spécialisées dans les sentiments positifs et l’empressement à passer à l’action », relate Sharon Begley. Car en activant le cerveau gauche – ce qui entraîne une cascade d’événements physiologiques : activation du système nerveux parasympathique (système du relâchement, donc du calme), stimulation du système immunitaire et des mécanismes réparateurs du corps –, la méditation facilite aussi la prise de décision. Les tests ont en effet démontré que les moines étaient plus performants dans l’élaboration de solutions face à un problème (avec une augmentation nette constatée des ondes gamma, en rapport avec une activité mentale très intense). Si plus on médite, plus les effets sont tangibles et durables, l’important réside avant tout dans la régularité.

Au-delà de ces recherches, de nombreux autres effets bénéfiques de la méditation sont validés par les études : réduction du stress, capacité de réinterpréter les événements stressants, amélioration de l’humeur. « Chez des patients dépressifs, la pratique de la méditation s’est révélée aussi efficace, sinon plus, que les antidépresseurs. Une fois installés, ses effets perdurent et diminuent le nombre des récidives », relève le psychothérapeute Thierry Janssen 2. On constate également une nette diminution de l’hypertension (l’apaisement consécutif à l’état méditatif diminue la pression artérielle), si répandue de nos jours et source de maladies cardiovasculaires. Méditer serait donc une assurance santé… peu coûteuse ! 

En pratique

Méditation
L’École occidentale de méditation fondée par Fabrice Midal est un espace de transmission de la méditation, rigoureuse et laïque,
en dialogue avec la
poésie et la philosophie
(à Paris et Genève) :
www.ecole-occidentale-meditation.com.
Sur www.techniquesde-meditation.com : articles,
infos, méditations guidées…

Zazen
Association Zen internationale,
www.zen-azi.org

Vipassana
www.french.dhamma.org

Hésychaste
Sur le site de Jean-Yves Leloup, activités et retraites (France, Belgique, désert, Terre Sainte…) autour des pratiques de paix intérieure des Pères du désert (et autres méditations),
www.jeanyvesleloup.com

Mindfulness
Association pour le développement de la mindfulness (pleine conscience) : www.association-mindfulness.org (infos, ressources, formations, instructeurs).

Yoga nidra
www.yoganidra-france.fr (France, Suisse).
Voir aussi les différentes associations de yoga sur
www.federation-de-yoga.fr.

Marche consciente
Sur le site de Daniel Zanin, activités et voyages autour
de la marche consciente :
www.marche-consciente.com.

 À lire

« Méditer, jour après jour » (livre et CD MP3), de Christophe André. Éd. L’Iconoclaste, 2011. « L’art de la méditation », de Matthieu Ricard.
Éd. Pocket, 2010.
« Pratique de la méditation » (livre et audio), de Fabrice Midal. Éd. Le Livre de Poche, 2012.

 

À chacun sa méditation

Développée par les ascètes indiens depuis des millénaires, la méditation nous parvient aussi par le zen japonais, la méditation soufie, ou encore celle des moines dans nos monastères chrétiens. Selon vos attentes, choisissez l’une ou l’autre de ces méditations sur tous les tons, épinglées parmi les nombreuses voies qui existent. En gardant à l’esprit que leurs vertus s’entrecroisent.

Mieux se concentrer : zazen

« Si quelqu’un demande ce qu’est le vrai zen, il n’est pas nécessaire que vous ouvriez la bouche pour l’expliquer. Exposez tous les aspects de votre posture de zazen. Alors le vent du printemps soufflera et fera éclore la merveilleuse fleur du prunier », affirmait le maître Daichi Sokei (1290-1366). Zen signifie comprendre l’essence de l’univers, et za, s’asseoir sans bouger, comme une montagne. Mais cette assise méditative n’est pas là uniquement pour la forme ! Maître Dôgen (1200-1253) disait : « Si les postures sont correctes, le corps et l’esprit retrouvent leur condition normale. » Il s’agit d’expérimenter à travers le corps une attitude juste. Un être juste, en inter-relation avec l’univers. La méditation zen comprend des postures très codifiées pour favoriser la concentration. « Le vieux monde que je détestais est en fait un monde de magie et d’enchantement depuis que, grâce au zen, on m’insuffle le silence où gît l’inépuisable », proclamait l’écrivain Henry Miller (1891-1980).

J’ai testé le zazen refs éclairs de calme blanc, entre des orages intérieurs… C’est ce que j’expérimente lors d’un sesshin (pratique intensive de zazen) d’une journée. Les phases d’assise durent 25 minutes. Entre cela, diverses pratiques : nous faisons kin hin (méditation marchée), nous psalmodions des sutras, nous pratiquons la cérémonie du thé, nous goûtons à des pauses… Le temps se déforme. Certaines assises passent en un clin d’œil, d’autres me semblent éternelles. Je suis loin du « penser au non penser… sans penser », le but ultime du zen. Je laisse filer comme des nuages ce qui se présente à mon esprit. Quand les pensées s’accrochent, je me branche sur la respiration. Curieusement, les tensions du corps m’offrent un appui, qui me permet de lâcher prise. Dissolution, expansion, concentration… Je fais corps avec les bruits de la vie, au loin. Après le repas, nous faisons la vaisselle, sans rien perdre de cette qualité de présence. Je repense à ce que partageait Robert M. Pirsig dans son roman « Traité du zen et de l’entretien des motocyclettes » (1974) : « Ce qu’il convient de faire quand on travaille sur une motocyclette, comme dans toute autre tâche, c’est cultiver la paix de l’esprit, qui ne sépare pas le moi de son environnement. Quand on y réussit, tout le reste est donné de surcroît. » J’ouvre les bras, et je reçois. 

Prendre du recul : la méditation vipassana

La méditation vipassana, dont l’Occident devient une courroie de transmission, est le cœur de la tradition theravada, l’une des voies du bouddhisme. Pratiquer cette méditation, c’est apprendre à voir les choses telles qu’elles sont. Prendre un recul salutaire, quand on a le nez dans le guidon. « Il ne s’agit pas d’une pratique dévotionnelle, mais d’une technique ouverte à tous d’investigation de notre propre corps et de notre propre esprit », précise Marie-Cécile Forget, présidente de l’association belge Dhamma Group qui diffuse la méditation vipassana. Cette pratique vise à nous débarrasser des négativités qui sont la cause de la souffrance humaine : désir, colère, jalousie… On y expérimente concrètement l’interrelation corps-esprit, en portant l’attention sur les sensations physiques.

J’ai testé la méditation vipassanaAvant d’entrer en méditation, quelques instructions éclairent la pratique. Pour éviter que le mental ne gamberge, nous observons l’abdomen qui se lève et s’abaisse au rythme de la respiration. L’originalité de cette méditation, c’est que rien de ce qui se présente n’est considéré comme pure distraction. Tout est enseignement. Quand quelque chose se manifeste (pensée, démangeaison, douleur), nous sommes invités à cesser d’observer notre souffle et à déplacer l’attention sur l’événement (on l’étiquette, sans s’y identifier), jusqu’à ce qu’il se dissolve et que l’on retourne au souffle. Je constate que la simple observation des phénomènes physiques et des pensées les fait disparaître. J’expérimente in concreto que tout passe. 

Développer la compassion : la méditation hésychaste

Il s’agit là d’une méditation du cœur. Cette pratique de paix intérieure prend racine dans la tradition des Pères du désert, précurseurs du monachisme. Les hésychastes affirment que la prière parfaite est celle du cœur. Si on y cherche la stabilité propre à la montagne, dans l’enracinement d’une bonne assise, on apprend aussi à fleurir. « La méditation, c’est également une orientation, comme l’enseigne le coquelicot : se tourner vers le soleil, se tourner au plus profond de soi-même vers la lumière », explique le philosophe, théologien et prêtre orthodoxe Jean-Yves Leloup. On y expérimente que les vagues en surface n’altèrent en rien la tranquillité du fond de l’océan… Cette méditation généreuse nous aide à semer des graines de compassion au creux de tous les instants de la vie. Quels qu’ils soient.

J’ai testé la méditation hésychasteEn goûtant à cette méditation, j’ai été émue… Quelque chose de vertigineux, de printanier dirais-je, est venu me baratter de l’intérieur. Me bouleverser. Comme si je rentrais à la maison. Reliée aux autres et au plus grand que soi, j’ai synchronisé ma méditation avec les battements de mon cœur, avec les flux et les reflux du souffle. Peu à peu, tournée vers le cœur – ce centre de l’être où la « lumière luit dans les ténèbres, et les ténèbres ne peuvent l’atteindre » (saint Jean), il n’y avait plus de mots… Je me sentais une. Le mental n’étant plus orienté vers l’extérieur, ni dissipé par les événements périphériques, il est revenu naturellement dans le cœur, chez lui. J’ai senti une vague d’amour me submerger. 

Savourer l’instant présent : la mindfulness

Tout le monde en parle, de plus en plus de personnes la pratiquent. La mindfulness ou « méditation de pleine conscience » signifie faire attention d’une manière particulière – délibérément, au moment présent et sans jugement. « C’est une manière d’être ouvert à notre expérience telle qu’elle se présente à nous, d’instant en instant », explique Ilios Kotsou, chercheur en psychologie des émotions à l’Université catholique de Louvain et auteur d’un « Petit cahier d’exercices de pleine conscience » (Éd. Jouvence, 2012). Selon Jon Kabat-Zinn, principal promoteur de la mindfulness [voir interview p. 32], vivre en pleine conscience, c’est embrasser sa vie dans toute sa richesse en y trouvant un espace pour grandir tant en force qu’en sagesse. Si cela passe par la pratique formelle (méditer chaque jour, faire du yoga…), la réelle pratique de la méditation, confie Jon Kabat-Zinn, c’est la manière dont vous vivez votre vie à chaque instant, en pleine conscience. Dès lors, on pratique dans n’importe quelle circonstance.


J’ai testé la mindfulness

Concrètement, la pleine conscience nous propose, par toute une série d’exercices et de pratiques, d’apprivoiser notre capacité d’attention. De nous reconnecter à tous nos sens. Le premier pas (et qui coûte !), c’est de s’arrêter. Parmi les exercices de base proposés dans les cycles d’entraînement à la pleine conscience, j’ai goûté avec joie au body scan ou balayage corporel. Par l’observation et la respiration, on reprend contact avec l’ensemble du corps et des sensations. On s’ancre dans le moment présent. Le défi est de rester dans le factuel, sans jugement… Autre pratique de pleine conscience particulièrement bienfaisante que je sème au creux du quotidien, la méditation de l’amour compassionné (aux vertus bien-être corps-esprit démontrées scientifiquement) consiste à entourer d’un nuage de bienveillance et de pensées positives ses proches et d’étendre cette méditation à tous les êtres vivants (y compris ceux pour qui on a du ressentiment)… sans s’oublier au passage !  

Calme et attentif comme une grenouille,
la méditation pour les enfants

Ce livre, assorti d’un CD, traduit depuis peu en français, fait le buzz ! Capable de plonger dans un silence bienfaisant une horde de bambins survoltés en quatre minutes chrono. Eline Snel, son auteur, est devenue une star aux Pays-Bas. Son secret ? Avoir adapté la méditation de la pleine conscience (mindfulness) aux 4-12 ans. Depuis, de plus en plus d’écoles de par le monde proposent la mindfulness. « Pour jouer un instrument, il y a un apprentissage à faire. C’est la même chose avec le corps et l’esprit : il faut apprendre à les accorder. On y parvient en écoutant profondément les sensations du corps, les pensées, les émotions, sans jugement. Les enfants y parviennent facilement si vous rendez les choses amusantes », précise Jon Kabat-Zinn, fondateur de la Clinique de réduction du stress de l’université du Massachusetts [voir p. 32]. Ils prennent ça pour un jeu, mais en ressortent calmes, centrés, confiants. »

« Calme et attentif comme une grenouille : la méditation pour les enfants… avec leurs parents », d’Eline Snel,
Livre et CD de méditations guidées lues par Sara Giraudeau (Éd. Les Arènes, 2012).

 

Retrouver le sommeil et s’éveiller : le yoga nidra

Il ne s’agit pas là à proprement parler d’une technique de méditation, mais cette pratique nous plonge dans un état méditatif fécond. Ce yoga du sommeil (yoga nidra) ne vise pas à s’endormir (quoique…), mais bien à investir consciemment le sommeil. Par une relaxation profonde, on entre dans un état de conscience situé à cette riche frontière entre veille et sommeil. Puis on part en voyage, grâce à des techniques de visualisation et de respiration. La communication s’établit avec nos profondeurs. Avec cette pratique, on apprend à s’abandonner, à se relâcher, sans rien perdre de sa vigilance. Intuitions et créativité peuvent alors fleurir en toute liberté. Le yoga nidra apporte un grand apaisement physique, mental et émotionnel (d’où, à la longue, un meilleur sommeil), il redynamise et conduit petit à petit à une vie en pleine conscience.

J’ai testé le yoga nidra

L’effet est bluffant. En pratiquant le yoga nidra, je me retrouve bien souvent scotchée au sol, suspendue au-dessus des bras de Morphée, et pourtant intensément présente et vigilante. Éveillée. Dans cet état si particulier de sommeil conscient, je dialogue par images interposées avec mon intériorité. J’y goûte avec une aisance dé-concer-tante à l’union du corps et de l’esprit, du visible et de l’invisible. Jouissif !  

Se mettre en mouvement : la marche consciente

Véritable méditation en action, la marche consciente nous permet d’expérimenter, en silence et au gré des pas, notre présence à nous-mêmes et au monde. « L’attention est portée sur les pieds, la respiration, le corps en mouvement, les sons extérieurs, l’espace en soi et autour de soi, sans rêverie ni pensées discursives », explique Daniel Zanin, qui propose des activités autour de la marche consciente. Cette méditation en mouvement est probablement plus accessible aux Occidentaux que l’assise immobile. « Marcher consciemment, poursuit Daniel Zanin, c’est marcher en profondeur : non seulement vers l’avant, de long en large, mais chacun de nos pas nous conduit vers ce que nous sommes vraiment et que la marche révèle petit à petit. » Centré et en lien avec l’environnement extérieur, on devient un espace d’accueil. Dans cette ouverture se déploie le champ de nos possibles.

J’ai testé la marche consciente

C’est devenu quasi instinctif ! Dans les bois et les chemins creux, sur l’asphalte urbain, en allant à la boulangerie ou à un rendez-vous… S’il a fallu m’entraîner à pratiquer la marche consciente, aujourd’hui je conscientise chaque (dé)marche. Cela devient une seconde nature. Quand le stress m’oppresse, je sors faire quelques pas et j’ouvre tous mes sens, où que je sois… Aidé par le rythme du duo pas-respiration, le mental arrête vite son petit vélo stérile. Les pieds et la tête dans l’instant présent, je redécouvre à chaque fois le monde, émerveillée.

 

1. « Entraîner votre esprit, transformer votre cerveau », de Sharon Begley. Éd. Ariane, 2008.

2. « La solution intérieure. Vers une nouvelle médecine du corps et de l’esprit », de Thierry Janssen. Éd. Pocket, 2011.

Trois pratiques méditatives à semer au creux du quotidien.

Méditation de la file d’attente

Laisser la pleine conscience sur son coussin de méditation n’a pas grand intérêt. L’idéal est de l’emmener dans la vie de tous les jours. Dans les files d’attente (supermarché, guichet…), au lieu de fulminer, pratiquez la pleine conscience du corps : prenez conscience de vos pieds, des sensations corporelles, de votre respiration. Voilà les moments perdus transformés en moments vécus. Retrouvez cette pratique et bien d’autres dans le « Petit cahier d’exercices de pleine conscience » écrit par Ilios Kotsou (Éd. Jouvence, 2012).

Kin hin

Pour cette marche méditative, pratiquée dans le zen, joignez les mains à la hauteur de la poitrine, main gauche recouvrant le poing de la main droite, coudes ouverts à l’horizontale (pour respirer et asseoir la posture). Déroulez vos pas très lentement, tout en respirant profondément. Soulevez chaque pied en pleine conscience. En gardant votre axe, sentez la jambe s’envoler tandis que l’autre s’enracine, en étant attentif à toutes les perceptions. Brisez le rythme : très rapide, presque immobile.

Méditation derviche

Cette méditation en mouvement, tournante, est issue de la tradition soufie. On lui reconnaît des vertus de rajeunissement cérébral, de revitalisation, de centrage. En  pratique, tout en gardant les yeux ouverts, le regard non focalisé, commencez à tourner dans le sens contraire des aiguilles d’une montre, d’abord très lentement, avant d’augmenter progressivement la vitesse. Le bras droit tenu haut, paume vers le ciel, le bras gauche en bas, paume vers le sol. Sans l’intervention du mental, à un moment, vous vous laisserez tomber naturellement, doucement. Dans cette méditation puissante, l’intérieur devient un centre immobile, tandis que tout le corps est en mouvement.

 

Carine Anselme

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