Le bœuf des prairies gaumaises
Élevé traditionnellement dans nos régions, le véritable bœuf a malheureusement disparu au profit des taurillons et génisses à croissance rapide. Mais en Gaume, un projet d’agriculture durable et locale tente depuis 2007 de valoriser à nouveau la véritable viande de bœuf au travers d’un label spécifique : le Bœuf des prairies gaumaises. Le projet ne réunit pas moins de quatre institutions, Cuestas asbl, le Centre de Développement Rural asbl, le Centre Wallon de Recherches Agronomiques, l’Université de Liège-campus d’Arlon, ainsi que six éleveurs, dont cinq en bio, des consommateurs et des naturalistes. Il poursuit simultanément des objectifs économiques, sociaux et environnementaux, comme l’explique Mickaël Masson, chargé du développement agricole à l’asbl Cuestas : l’asbl Cuestas a pour objet d’encourager les initiatives locales de développement rural. Nous coordonnons plus de dix projets qui visent à encourager les populations des communes d’Etalle, Tintigny, Meix-devant-Virton, à découvrir, mettre en valeur et entretenir les richesses de ce territoire. Une de nos missions consiste à réintégrer l’agriculture dans la vie sociale et à favoriser la diversification agricole. C’est dans ce cadre-là que nous nous sommes penchés sur l’opportunité de relancer une filière d’élevage et de commercialisation du bœuf. La crise agricole touche de plein fouet les agriculteurs de la région et l’élevage du bœuf offre des perspectives à la fois économiques et environnementales. C’est notamment un élevage qui se pratique de manière extensive et qui respecte l’environnement. Notre volonté était de mettre sur pied une filière qui renforce les fermes existantes, sensibilise les citoyens aux rôles de l’agriculture et à son avenir, et qui permette de diversifier les revenus des agriculteurs et de valoriser les ressources locales.
Un projet collaboratif
Au début du projet, cinq éleveurs se montrent intéressés par cette démarche originale. Ils sont six aujourd’hui. Ces éleveurs sont devenus partie prenante de la filière et des réflexions menées – et c’est une des originalités de ce programme – en concertation avec des consomm’acteurs et des naturalistes de la région. Tous ont même participé activement à l’écriture d’un cahier des charges spécifique au Bœuf des prairies gaumaises ! Chacun a pu ainsi faire émerger ses priorités. Un cahier des charges qui se montre par ailleurs particulièrement sévère et qui impose par exemple un élevage extensif avec une faible charge de bovins à l’hectare, le choix de races rustiques (pas de Blanc Bleu culard), une castration sous anesthésie, une gestion active de l’environnement au niveau de la ferme, un abattage à minimum deux ans et demi, ou encore une alimentation composée à 90 % d’herbe pâturée ou fauchée à maturité, issues des prairies gaumaises. Les OGM et le soja sont par ailleurs exclus de l’alimentation. Original aussi, deux visites sont organisées tous les ans pour les consommateurs afin qu’ils puissent se rendre compte des qualités de cette forme d’élevage.
Filière courte
Côté commercialisation, c’est la filière courte qui a été très judicieusement sélectionnée par les acteurs du projet : la viande est disponible sous la forme de colis ou à la découpe dans plusieurs boucheries des environs, ainsi qu’auprès de trois GAC et de certains marchés. Qui plus est à un prix très abordable : de 9 à 11 euros du kilo ! Les responsables du projet Bœuf des prairies gaumaises travaillent aussi avec une dizaine de restaurants locaux, dont certains fort réputés, comme le restaurant gastronomique la Grappe d’Or à Torgny. Vu le temps qu’il faut pour élever un bœuf, la production reste malgré tout limitée : après la vente avec succès de deux bœufs fin 2007 auprès de vingt-cinq consommateurs, on en annonce quinze pour la fin de cette année, et une vingtaine pour l’année prochaine. Pour l’instant aussi, seule l’asbl Cuestas s’occupe de la commercialisation, mais les choses pourraient évoluer dans un futur proche, comme nous le confie Mickaël Masson : Les éleveurs souhaitent créer leur propre filière de vente directe sous forme de coopérative. Leur souhait est de devenir autonomes et de parvenir à maîtriser la filière de bout en bout, avec la plus-value économique qui en découle. C’était d’ailleurs le but du programme à l’origine. Un autre projet quasi similaire va sans doute aussi voir le jour dans cette même région. Cuestas travaille au développement d’une filière et d’un cahier des charges spécifique aux génisses, toujours selon le même canevas : développement local, environnement et alimentation de qualité. À suivre donc.
Pourquoi castrer ? La castration des bovins rend ces animaux plus calmes, ce qui permet de les engraisser lentement au foin et à l’herbe. Le cycle naturel de l’élevage est ainsi respecté. Les vrais bœufs peuvent aussi pâturer sur des prairies maigres et ainsi participer au maintien des paysages et de la biodiversité. On peut également les élever avec les génisses, ce qui facilite l’organisation du troupeau pour l’éleveur. Enfin, le bœuf donne une viande typée, goûteuse, rouge et persillée. Le bœuf est un produit saisonnier : il n’est disponible que de novembre à mars. Le Bœuf des prairies gaumaises est par ailleurs mis en maturation pendant douze jours au minimum pour plus de tendreté. |