La ferme du Bec Hellouin fait la preuve de la permaculture
Paradis de paysannerie, les 4 500 m2 de la ferme de Charles et Perrine Hervé-Gruyer, cultivés selon les principes de la permaculture, sont une véritable réussite. Un défi économique, écologique et social largement relevé. Le couple ne connaît rien à l’agriculture lorsqu’ils débutent en tant que maraîchers bio en 2006, dans le village du Bec-Hellouin, en Haute-Normandie. Cette ancienne juriste internationale et son marin de mari avaient simplement envie d’autre chose. À la recherche d’un système différent, ils découvrent, à travers de nombreuses lectures, des pratiques de microculture peu connues en France, comme le travail d’Eliot Coleman aux États-Unis. Les Hervé-Gruyer se prennent de passion pour le concept de la permaculture et expérimentent tout ce qu’ils peuvent.
Marier les espèces sur une même surface
En associant des espèces qui ne poussent pas à la même vitesse ni à la même hauteur, il est possible d’obtenir deux productions sur une même surface. Que ce soit dans le jardin mandala, sous serre ou sur les buttes, les radis se mêlent aux carottes et aux salades, les pois aux betteraves… Le tout est ponctué de pommiers, de framboisiers, ou encore de poiriers. La réalisation de buttes permanentes permet de cultiver davantage sur moins d’espace. « Tout l’espace est valorisé. Le poulailler installé dans la serre produit de la chaleur animale tout en faisant du compost », raconte Sacha Guégan, ingénieur et membre de l’équipe à la ferme.Leur travail donne des résultats impressionnants : en 2013, une moyenne de soixante-dix-huit paniers par semaine ont été distribués par une AMAP sur place ainsi qu’à Rouen.
Un rapport intermédiaire de l’INRA juge le site rentable
Une telle réussite attire beaucoup de monde. Avec tant de bras qui se joignent à l’aventure, difficile de ne pas se poser de questions. Ce système est-il réellement viable et stable ? Pour le prouver, une étude qui doit durer trois ans a été mise en place en décembre 2011 au cœur de la ferme. Coordonnée par François Léger, chercheur à l’Unité mixte de recherche (UMR), Sciences pour l’action et le développement en partenariat avec l’INRA et AgroParisTech, elle a pour objectif de montrer que 1 000 m2 cultivés produisent un chiffre d’affaires suffisant pour rémunérer décemment une personne travaillant à plein-temps. Pour François Léger, « il s’agit de crédibiliser une réalité vécue par beaucoup d’agriculteurs qui travaillent sur de petites surfaces ». Le rapport intermédiaire paru en juillet 2013 apparaît très positif. En 2012, le travail consacré aux cultures, à raison de 35 heures par semaine, a permis de générer un chiffre d’affaires de 32 000 euros, soit un revenu de près d’un SMIC, et ce, lors d’une année difficile. À ce temps, il faut cependant ajouter environ 17,5 heures pour les tâches administratives et commerciales. Il faut aussi compter le temps d’installation et près de deux ans pour être productif. Mais le jeu en vaut la chandelle : une exploitation comparable à un paradis perdu où la biodiversité fourmille, un ensemble harmonieux et intelligent.
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