La success-story du Pain des fleurs
À 380 mètres d’altitude, niché dans la verdoyante campagne ardéchoise, le village de Peaugres vit au rythme calme de son clocher de pierre, d’un paisible centre ancien et d’une zone artisanale dynamique. C’est près de ce village de 2000 âmes qu’est installé le groupe Ekibio, qui produit le Pain des fleurs.
Un « trouve-tout » à l’origine de la tartine
Cette tartine de sarrasin soufflé est née d’un hasard chanceux. Roland Chabanol est un inventeur jamais à court d’idées qui planche sur un projet de chewing-gum bio à partir du sarrasin qu’il cultive. Des essais sont lancés à 20 km de là. La texture est bonne, mais le goût n’est pas au rendez-vous. Le chewing-gum bio ne verra donc jamais le jour, mais Yves Serrano, le patron ingénieur d’Alpha nutrition, apprend fortuitement à Roland qu’une de ses machines est capable d’extruder le sarrasin, c’est-à-dire de donner du volume à une farine par une cuisson rapide, un peu comme on « souffle » le riz.
L’idée germe aussitôt dans l’esprit de Roland Chabanol d’une tartine croquante et légère sans gluten. Une pincée de sucre roux et du sel de l’Himalaya viennent compléter la recette de ce Pain des fleurs (en référence aux fleurs du sarrasin).
Repérée, rachetée
En février 2004, lors du salon Primevère, à Lyon, Didier Perréol, le PDG du groupe Ekibio, repère cette craquante tartine pour laquelle il a déjà « une vision à long terme ». Un accord de distribution est signé avec Roland Chabanol, suivi d’un rachat en 2006. « Nous avions l’outil logistique pour le développement », explique le PDG ardéchois, dont la société Euro-Nat est spécialiste de la distribution de produits biologiques en réseau spécialisé. La petite tartine deviendra grande : ses ventes passent d’1,2 million en 2006 à 9 millions en 2013.
Quant à son créateur, il a fait naître depuis une pastille aux plantes bio, la Biopastille. La tartine croquante rejoint donc Ekibio, un groupe en expansion permanente et investi de longue date dans le bio. « Cela fait trente-trois ans que je défends le bio et mon plus grand rêve serait que l’agriculture devienne 100 % bio », explique Didier Perréol, regard bleu déterminé. Rien ne semble résister à cet autodidacte et, quand il découvre en 1989 le quinoa de l’Altiplano bolivien, il arrive à promouvoir et rendre incontournable cette graine sacrée des Indiens des Andes, alors inconnue en Europe. Le Pain des fleurs est entre de bonnes mains pour rencontrer le succès.
Riz de Camargue
Celui-ci passera par un élargissement de la gamme avec de nouvelles recettes, qui intègrent les céréales des filières agricoles défendues par la marque : le riz biologique de Camargue, la châtaigne ardéchoise, le quinoa de Bolivie. Le sel de l’Himalaya de la recette originale cède la place au sel marin de Camargue. Dernière déclinaison en date, une tartine multicéréales sortie en 2013. Mais la production du Pain des fleurs exige de gros volumes. Le directeur des opérations d’Ekibio, Bernard Martin, reconnaît qu'« en fonction des récoltes de l’année, les farines de châtaigne bio du Pain des fleurs seront françaises ou importées d’Italie.»
Si la traçabilité est totale et les contrôles rigoureux, le groupe Ekibio demeure une entreprise régie par des principes de profits et de développement. Le local prime mais ne doit pas entraver la stratégie de production. Le Pain des fleurs s’exporte dans 45 pays !
Des camions refusés
En faisant appel à la technologie du sans gluten de la société Alpha Nutrition, la tartine se garantit le fameux logo de l’épi de blé barré délivré par l’Association française des intolérants au gluten (AFDIAG). Ce label certifie un produit fini « non contaminé » dont la teneur en gluten résiduel ne peut dépasser 20 mg par kilo.
«Nous avons toujours des mesures entre 5 et 10 mg par kilo », assure ainsi Bernard Martin. Les analyses sont permanentes en cours de fabrication : « Nous avons une analyse chez le fournisseur, une analyse à l’arrivée du camion, une en cours de fabrication et une au départ des camions de l’usine », explique de son côté Yves Serrano, le patron d’Alpha Nutrition en Haute-Loire. « Les sacs de céréales et les châtaignes sont conservés au froid entre 10 °C et 15 °C pour éviter le développement de germes, ou d’insectes avec les châtaignes », précise cet ingénieur tatillon. L’entreprise a déjà refusé des chargements qui pouvaient avoir été contaminés par du gluten (lors d’un nettoyage insuffisant du camion, par exemple). Automatisation poussée et contrôle qualité omniprésent caractérisent cette usine où les frêles tartines défilent à un rythme à donner le tournis.
Le succès de la tartine bio sans gluten tient en partie à la progression constante des personnes touchées par l’intolérance au gluten (estimées à 600 000 en France et bien plus aux États- Unis). Selon les spécialistes, personne n’est en réalité capable de digérer totalement le gluten. Mais pour certaines personnes, cela s’avère tellement difficile que leur système immunitaire considère le gluten comme une véritable toxine contre laquelle il faut lutter. Atteintes de la maladie cœliaque, ces personnes connaissent fatigues, douleurs abdominales et diarrhées pouvant conduire à la malnutrition puisque des nutriments essentiels comme le fer ou la vitamine B12 ne sont plus absorbés. Au contact du gluten, leur intestin grêle « s’autodétruit ». Ils doivent adopter un régime strict sans gluten à vie.
Overdose de gluten
Le gluten est un composé protéique visqueux présent dans le seigle, l’avoine, le blé, l’orge, le kamut et l’épeautre qui permet de faire monter la pâte à pain. La progression inquiétante de l’intolérance peut s’expliquer par le fait que les blés cultivés aujourd’hui sont toujours plus riches en protéines, afin de mieux résister aux aléas climatiques. D’autre part, le gluten est massivement utilisé dans l’industrie agroalimentaire pour améliorer la texture des produits à base de farine, pain, pâte à pizzas ou à tarte, et pour faire grimper le taux de protéines des viandes conditionnées. Gageons que le Pain des fleurs a de beaux jours devant lui.
Yves Serrano. À droite, le siège d'Ekibio. (Photos Émilie de Welle)
Secrets de fabrication
Garantir du sans gluten
L’entreprise de Haute-Loire Alpha nutrition est spécialisée depuis 2003 dans le sans gluten et sans allergène, au démarrage avec le Pain des fleurs. La vigilance démarre dès la réception de céréales sans gluten. La contamination doit être évitée à tout instant. Le personnel est formé à des règles d’hygiène strictes et des analyses de contrôle ont lieu durant la production. Impossible de croquer son sandwich et de se rendre sur la ligne de production avec de la farine de blé sur les mains. Pour rendre la matière première légère et croustillante, on fait appel à la technique de l’extrusion : « Une explosion de l’amidon par la combinaison d’une montée en température et de vapeur d’eau sous pression », explique Yves Serrano, le patron d’Alpha Nutrition, qui travaille pour d’autres marques.
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