Le vinaigre entre science, tradition… et ressenti personnel
Liquide acide obtenu par la double fermentation alcoolique et acétique de jus de fruits, de céréales ou de miel, le vinaigre se décline aujourd’hui sous de multiples saveurs et couleurs, dépendant de l’ingrédient de base ayant servi à sa fabrication. Essentiellement constitué d’eau et d’acide acétique, un vinaigre doit, pour mériter ce nom, contenir de 5 à 8 % de ce dernier. C’est Louis Pasteur qui, en 1867, élucida le processus de l’acétification. Celui-ci fait intervenir des bactéries du genre Acetobacter qui, en se multipliant à la surface d’un liquide alcoolisé (vin, cidre…), forment un voile appelé mère de vinaigre à partir duquel l’alcool éthylique sera oxydé en acide acétique. C’est cet acide qui confère une action antiseptique aux vinaigres et notamment au vinaigre blanc d’alcool (qui en contient 8 %) obtenu à partir de jus fermenté de betterave sucrière.
Plaisir du palais
Certains vinaigres sont célèbres en cuisine. Ainsi en va-t-il du vinaigre balsamique traditionnel de Modène. Obtenu par fermentation du moût (jus cuit non fermenté) de raisin de cépage trebbiano (ugni blanc) cultivé en Émilie-Romagne, ce vinaigre doit son goût raffiné à une maturation de quinze à quarante ans dans des fûts de différents bois. Plus il est vieux, plus son goût est prononcé… de même que son prix, qui peut dépasser les 100 € le flacon de 100 ml. Il est utilisé avec parcimonie en cuisine, pour relever les plats de sa saveur sucrée acidulée. Le simple vinaigre balsamique de Modène, affiné moins longtemps (cinq ans), est, lui, beaucoup plus abordable. Mais attention aux contrefaçons. Nombre de vinaigres vendus sous cette appellation ne sont en réalité que de simples vinaigres de vin ou d’alcool maquillés à coups d’additifs et de colorants, tel le caramel (E 150). Des vinaigres obtenus par des procédés industriels recourant aux sulfites et aux sels d’ammonium récemment incriminés dans la genèse de cancers. Les vinaigres bio, qui ne contiennent ni colorants ni additifs, sont donc à privilégier.
D’autres vinaigres célèbres comme ceux de Xérès ou de vin de riz seront choisis en fonction de leur saveur pour aciduler un assaisonnement ou pour déglacer un plat. De nombreux vinaigres aromatisés aux herbes (estragon, basilic…) ou aux fruits (framboise, figue…) permettent d’élargir encore la palette gustative. Leur usage culinaire relève cependant plus de la satisfaction des papilles que d’un réel intérêt nutritionnel.
Et pourtant…
De l’Antiquité à nos jours et au travers de diverses cultures, les vinaigres ont été largement utilisés dans l’alimentation humaine et parfois vantés pour leur capacité à prévenir, voire guérir de multiples maux. Mais usages traditionnels et physiologie digestive paraissent parfois incompatibles. Ainsi, de par son pH acide, le vinaigre est accusé d’inhiber l’enzyme de transformation des amidons contenue dans la salive, la ptyaline. Une propriété que vantent cependant certains chercheurs puisque, ce faisant, le vinaigre réduirait la charge glycémique du repas et donc la glycémie postprandiale, le travail du pancréas et le stockage graisseux. Pour d’autres, cette inhibition de la ptyaline provoquerait inévitablement une mauvaise digestion des sucres, favorisant la dysbiose intestinale de fermentation et les ballonnements.
Cette acidité néfaste à l’assimilation des glucides serait en revanche favorable à la digestion des protéines. Celle-ci dépend en effet principalement de l’acidité stomacale que le vinaigre renforcerait, voire pallierait en cas d’insuffisance (hypochlorhydrie), fréquente par exemple chez les personnes âgées. Le vinaigre assurerait aussi une meilleure digestion des graisses, hypothèse que semble confirmer la médecine orientale dans laquelle il est présenté comme un aliment de nature Yin relié à l’élément bois qui domine le duo foie-vésicule biliaire.
Loin de ces apparentes contradictions, le vinaigre est pourtant globalement reconnu pour ses propriétés apéritives et stimulantes des sécrétions digestives. Le plus cohérent serait donc d’en faire un usage modéré en assaisonnement de crudités au début du repas pour ensuite attendre quelques minutes avant toute consommation de féculents riches en amidon. Être à l’écoute de ses sensations digestives lorsqu’on en consomme est donc essentiel pour pouvoir décider de la pertinence de son emploi dans l’alimentation courante, voire comme alicament. Là où la science et les traditions semblent se contredire, seul le ressenti personnel, reflet des capacités métaboliques, sera à même de déterminer si la balance penche du côté des vertus ou des inconvénients.
Le vinaigre de cidre Les habitants du Vermont, dans le nord-est des États-Unis, dont l’état de santé a été décrit par les travaux du Dr Jarvis, attribuent leur longévité exceptionnelle à l’ingestion quotidienne d’une cuiller à soupe de vinaigre de cidre prise le matin à jeun dans un verre d’eau chaude et additionné d’un peu de miel. Très riche en minéraux (calcium, magnésium, fer…) expliquant son action légèrement alcalinisante sur l’organisme, mais aussi acides aminés, vitamines, antioxydants et pectines qui lui vaudraient d’être efficace dans le traitement d’affections diverses allant des douleurs articulaires aux dermatoses, le vinaigre de cidre serait une véritable panacée, tant en usage interne (1 cuiller à café dans un verre d’eau, un peu avant le repas) qu’externe (inhalation, friction). |