Sacha Inchi, périlla, nigelle : des huiles à consommer?
L’huile de Sacha Inchi et l’huile de Périlla sont des produits de santé, mais valent-ils mieux que ceux que nous avons à notre disposition depuis des siècles ?
Des graines de Sacha Inchi, on extrait une huile réservée jusqu’à il y a peu à l’industrie cosmétique. Son usage alimentaire était interdit par la réglementation européenne Novel Food jusqu’en février 2015. « Après une longue procédure administrative, la mise sur le marché alimentaire français de notre huile de Sacha Inchi bio a été autorisée par la DGCCRF* et notifiée Novel Food par la Commission européenne », rapporte le groupe Aiglon. L’huile (ndlr : diffusée par sa filiale matières végétales : Dioveva) a même été certifiée dans la foulée par Ecocert au mois de mai.
Périlla versus lin
Mais qu’a donc cette huile de si extraordinaire ? L’huile des Incas leur redonnait force et vigueur après le combat : réputée remède de jouvence, elle est riche en oméga 3 et en substances antioxydantes (vitamines A et E). Certes, mais elle contient moins d’oméga 3 que l’huile de lin (48 % contre 55 %) et moins d’antioxydants que le beurre (690 µg de vitamine A contre 800 µg ; 170 µg de vitamine E contre 1500 µg !) !
Même question avec la périlla (Perilla frutescens), une plante cultivée en Chine et dont l’huile était commercialisée avant la réglementation Novel Food. Argument santé. « Par comparaison avec les autres huiles végétales, l’huile extraite des graines de périlla contient la plus forte concentration en acide gras poly-insaturé en oméga 3 que l’on puisse trouver dans les huiles végétales : l’acide alpha-linolénique (ALA), soit 64 % », explique-t-on chez Salvia Nutrition. Rappel : l’huile de lin en contient 55 %, soit quasiment autant !
Avantage en revanche par rapport au lin : la périlla contient suffisamment de vitamine E pour s’oxyder beaucoup moins rapidement.
Remplacer l’huile de poisson ?
À l’heure où les poissons sont contaminés aux métaux lourds, aux produits chimiques et menacés de surpêche (il faut une demi-tonne de poissons pour faire un litre d’huile !), l’huile de périlla présenterait un avantage indéniable pour les végétaliens ou pour les écologistes soucieux de la protection des fonds marins. Sauf que « l’huile de périlla contient certes des oméga 3 ALA, mais aucun oméga 3 de type DHA ou EPA », explique Sébastien Loctin, créateur des huiles Quintesens. Le DHA n’est en effet présent en l’état que dans les aliments d’origine animale, terrestre ou marine. Soit, effectivement, dans les poissons gras, le krill et leurs huiles. Certes, « les oméga 3 ALA peuvent partiellement être convertis en DHA, mais à un taux très faible, de l’ordre de 0,5 % », complète-t-il. Dans tous les cas, « après 55 ans, cette conversion ne se fait quasiment plus : il faudrait donc consommer des quantités astronomiques d’ALA pour couvrir nos besoins en DHA ! ».
L’exception de l’huile de cumin noir d’Égypte
Autre huile redécouverte et mise à la mode, l’huile de nigelle ou cumin noir (Nigella sativa), déjà utilisée par les pharaons, a fait l’objet de nombreuses études. La dernière parue en avril 2015 montre son efficacité à réduire la glycémie et le cholestérol, et donc à traiter le diabète de type 2. Les auteurs attribuent ses vertus à la présence de thymoquinone (TQ), une substance antioxydante, probablement aussi à l’origine de ses autres propriétés anti-inflammatoires et antimicrobiennes. Thierry Mouchet, fondateur d’Huiloreine, rappelle que traditionnellement, l'huile de nigelle « est réputée préserver de tout, sauf de la mort ». Elle ne présente pas de toxicité connue chez l’animal, mais elle est tellement amère qu’elle ne peut pas être facilement utilisée en assaisonnement. De par ses puissants effets sur l’immunité, Thierry Mouchet précise que cette huile-remède est déconseillée aux personnes qui ont reçu des greffes, aux enfants de moins de 6 ans et aux femmes enceintes.
Bref, du pour dans certains cas, du contre dans d’autres, mais il serait grand temps que les consommateurs de bio, pourtant à même de défendre l’agriculture locale quand il s’agit de leur panier alimentaire, s’interrogent un peu plus quand il s’agit de leurs produits de santé.
Écologie
Le Sacha Inchi, bio de loin
Aiglon explique produire le Sacha Inchi de façon biologique, dans une logique de développement durable, dont le seul témoin semble être la rétribution correcte des producteurs péruviens. Mais ces nouveaux débouchés n’exposent-ils pas au risque du développement d’une agriculture intensive perturbant l’équilibre local, sachant qu’« il faut environ 6 kg de graines pour produire 1 kg d’huile », comme précise l’industriel et que « sa culture organisée est récente, car elle a longtemps été considérée comme une plante sauvage » ? Rien que de 2011 à 2013, la production de Sacha Inchi a explosé de plus de 200 % pour répondre à la demande mondiale. Sur le marché bio, Salvia Nutrition précise que son huile de périlla certifiée est principalement produite en Chine.
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