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Cuisson : quel mode adopter pour cuisiner plus sain ?

Cuisson : quel mode adopter pour cuisiner plus sain ?

« Une bonne cuisson, résume Claude Aubert, ingénieur agronome pionnier de l’agriculture biologique et cofondateur de Terre vivante, c’est une cuisson qui ne détruit pas les vitamines et qui ne fabrique pas des substances indésirables à long terme : c’est donc une cuisson brève et à température pas trop élevée...». À la chaleur, on le sait, de nombreuses vitamines sont mises à rude épreuve : dès 60 °C, la vitamine C disparaît. Les vitamines B1 et B9 sont tout aussi fragiles. Elles disparaissent autour des 95 °C, ainsi que d’autres précieux nutriments (la vitamine E). À 100 °C, les sels minéraux et oligo-éléments sont partis ; à 110 °C, ce sont les vitamines A et D. Quant aux enzymes, elles quittent les aliments dès les 50 °C atteints !

Une cuisson à 60°C, un bon équilibre ?

Pour être vraiment sûr de préserver la qualité nutritionnelle des aliments, il faudrait les consommer crus, ce qui n’est pas toujours compatible avec l’idée de cuisine ou de sécurité alimentaire, notamment pour les viandes et poissons : aux États-Unis, la Food and Drug Administration (FDA) a lancé une vaste campagne d’information sur la cuisson, rappelant que, pour éviter le développement des bactéries pathogènes, il fallait cuire et maintenir au chaud à 60 °C au minimum...

Mais point trop n'en faut car, outre la perte des nutriments, la cuisson peut entraîner la formation de substances toxiques. Des réactions chimiques peuvent en effet survenir au cours de la cuisson, comme la réaction découverte en 1908 par le chimiste français Louis-Camille Maillard.

Une cuisson nocive voire cancérigène dès 120 °C

La réaction de Maillard survient à la cuisson lors de la mise en présence d’acides aminés des protéines et de sucres, entraînant une glycation des protéines avec la formation de produits dits de glycation avancée (ou AGE pour advanced glycation end-products) tels que l’acrylamide ou la carboxymé-thyllysine (CML). Des composés qui sont à l’origine du brunissement du pain, de certains alcools ou des frites. Or ces composés, tel l’acrylamide, qui peuvent se former dès 120 °C, sont connus depuis les années 2000 comme étant cancérogènes...

Pour cuire, on distingue deux modes : la cuisson à la chaleur humide et la cuisson à chaleur sèche. La première implique l’utilisation d’un liquide ou de vapeur et d’un peu ou pas du tout de matière grasse : à la vapeur, en papillote, en sauce ou encore en faisant pocher, bouillir, sauter ou braiser... La cuisson à chaleur sèche s’effectue avec très peu d’humidité et toujours un peu ou pas du tout de matière grasse. C’est le cas lorsqu’on fait griller, rôtir, sauter ou frire. 

À l’eau : cuisson express ou soupe

On a longtemps accusé l’eau d’appauvrir les légumes d’un point de vue nutritionnel : il est vrai que tous les aliments perdent leurs qualités lorsqu’ils sont cuits à gros bouillon pendant trop longtemps. Le brocoli, par exemple : en 2007, une étude de l’université de Warwick (au Royaume-Uni) a montré que plus de la moitié, sinon les trois quarts, des glucosinates aux propriétés anticancéreuses que contiennent brocoli, chou de Bruxelles, chou-fleur et chou vert, disparaissaient après seulement trente minutes de cuisson à l’eau.

Pour autant, « la cuisson à l’eau, rappelle Claude Aubert, est souvent dénigrée à tort. Car si elle est très brève, 2 à 3 minutes seulement, les légumes restent croquants et sont peu dénaturés.» Tout comme les poissons et les fruits de mer, qui nécessitent une cuisson brève.« Si une cuisson longue est nécessaire, faites une soupe, poursuit l’ingénieur, car vous conservez alors l’eau de cuisson dans laquelle passent les vitamines ! »

Basse température

C’est en cuisant les aliments à basse température (moins de 90 °C) puis à l’étouffée dans leur propre chaleur que vous préserverez l’essentiel de leurs apports nutritionnels. La cuisson à l’étouffée est une cuisson humide qui consiste à mettre les ingrédients avec très peu d’eau dans un récipient fermé et à feu doux. La température monte progressivement, jusqu’à ce qu’un joint d’eau se forme entre le couvercle et le récipient. La température idéale est atteinte sans déperdition de chaleur. La cuisson se poursuit hors du feu, à l’étouffée, donc, à 80, 90°C.

Vapeur : gare au degrés qui grimpent !

La cuisson à la vapeur est intéressante, pour peu que l’on prenne garde de choisir un appareil qui permet de ne pas monter trop en température. Finie la cocotte-minute, quelque peu tombée en disgrâce après avoir fait les beaux jours de la diététique dans les années soixante : atteignant aisément 120 °C, sa vapeur sous pression met vraiment à mal les vitamines. Quelques astuces existent pour réduire les temps de cuisson : « Prégermer les pois chiches (pendant 2 jours environ) permet de réduire le temps de cuisson à 15 minutes à la vapeur », révèle la consultante en cuisine bio et auteur culinaire Valérie Cupillard. Autre bémol : lorsque la vapeur atteint le couvercle, elle se condense et retombe sur les aliments, risquant de les «rincer» peu à peu de tous leurs nutriments, exactement comme si on les faisait cuire à gros bouillons.

Des indicateurs de chaleur

Les thermomètres culinaires disposent pour la plupart d’une sonde qui, plongée dans l’aliment ou le liquide, en mesure la température. Mais de plus en plus d’ustensiles de cuisine sont équipés d’indicateurs de chaleur. « Quand on débute, conseille Valérie Cupillard, on peut apprendre à bien cuire à l’étouffée en utilisant une sauteuse dotée d’un tel équipement : on met le feu au minimum et l’indicateur aide à conserver la bonne température. Pour les légumes, on peut même terminer la cuisson hors du feu : dès que l’indicateur atteint le milieu de la zone verte, on éteint le feu et on laisse cuire encore 10 à 15 minutes, en profitant du fond épais qui a accumulé la chaleur. » 

Moins cuire pour mieux vieillir

Au mois de janvier 2015, une équipe internationale de chercheurs a publié dans les comptes rendus de l’Académie américaine des sciences une étude sur les AGE, montrant l’implication de ces composés issus de la glycation dans des pathologies du vieillissement comme le diabète de type 2 ou la maladie d’Alzheimer... Sans vouloir trop alarmer les aficionados des céréales et des pommes de terre, le 20 mars 2015, les membres des Académies de médecine et de pharmacie ont souhaité informer le grand public sur les risques liés à ces toxines, qui pourraient aussi être impliquées dans bien d’autres pathologies comme la cataracte ou l’insuffisance rénale.

Mais faut-il pour autant cesser de consommer tout aliment susceptible de former des AGE lors de la cuisson ? Pour l’instant, les spécialistes ne savent que répondre, car les doses toxiques ne sont pas encore connues. Mais ils conseillent déjà de cuisiner en dessous de 120 °C... et donc de limiter les hautes températures aux grandes occasions.

 

Lire la suite : Cuire sans nuire : les bons ustensiles

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