Décryptage : comment la cosmétique maison refait surface
Déco, vêtements, cuisine... après les décennies grandes surfaces, micro-ondes et surgelés, le home made fait son grand retour. L’univers de la beauté n’échappe pas à la tendance. De plus en plus de femmes délaissent les rayons des grandes enseignes surchargés de nouveautés promettant des fonds de teints encore plus couvrants et des cheveux toujours plus brillants... au profit de produits naturels faits à la maison. Crise, rétrécissement des budgets, préoccupations environnementales et sanitaires, les raisons d’un tel engouement sont nombreuses. Et, dans les tiroires de la salle-de-bain, petit à petit, la multitude des produits de marques se voit remplacée par quelques huiles végétales et crèmes concoctées en cuisine.
Sylvie Hampikian, papesse de ce mouvement en pleine expansion, a converti des milliers de personnes à la beauté home made. Un art de vivre qui pour elle a commencé à l’adolescence. « J’avais une grand-mère qui habitait à la campagne et qui utilisait beaucoup de recettes de beauté. Elle m’en a transmis quelques-unes, comme le shampooing aux œufs et au rhum ou des lotions à base de plantes », explique-t-elle dans un entretien accordé au Journal des femmes en juillet 2007*. « J’avoue que j’achetais aussi beaucoup de cosmétiques dans le commerce. Tout a changé en 1998, quand les laboratoires ont eu l’obligation d’écrire la composition des produits sur leurs emballages. Je me suis aperçue que des marques qui se prétendaient naturelles étaient bourrées de produits chimiques et ne contenaient que 0,01 % d’actifs ! »
Une approche scientifique
Docteur vétérinaire et experte pharmaco-toxicologue, Sylvie Hampikian dispose d’outils et de connaissances qui lui permettent de s’emparer du sujet avec une approche scientifique. Elle publie un premier ouvrage sur le sujet en 2007. Avec « Créez vos cosmétiques bio », elle ouvre une brèche. Simple d’usage, ce livre présente les principes de base de la cosmétique naturelle à faire soi-même. Il s’accompagne d’un catalogue d’ingrédients faciles à trouver et d’un cahier de recettes qui conduit une première vague de femmes sur la voie du fait maison.
Avant elle, Chantal Clergeaud avait jeté un premier pavé dans la marre aux cosmétiques. Cette naturopathe et ostéopathe a consacré sa vie au bien-être et à la santé en faisant la promotion de la diététique et des médecines douces. En 2002, elle signe «Votre beauté au naturel».Au fil des pages, les lectrices découvrent les vertus des plantes et des cosmétiques maison... et le potentiel danger des ingrédients chimiques utilisés dans le conventionnel.
Le plus santé
Une troisième femme, Laurence Dupaquier, a travaillé à l’éclosion du fait maison en beauté. Auteur du site Ma cosmeto perso et d’un livre paru en 2011 sous le titre « La cosméto au naturel », elle a séduit des milliers de femmes avec ses recettes originales. « Si, sur le marché, l’offre de cosmétiques est extrêmement vaste, elle n’en reste pas moins insatisfaisante en terme de qualité, en raison de la présence dans ces produits de substances et d’ingrédients allergènes, voire néfastes pour notre santé. À l’exception des cosmétiques biologiques, on trouve dans les crèmes des grands laboratoires des huiles minérales issues de la pétrochimie, des colorants chimiques, des conservateurs allergènes, des substances cancérogènes... S’agissant de cosmétique que nous mettons en contact avec notre peau, il y a lieu de s’interroger et de réfléchir à des alternatives naturelles », expliquait-elle dans en préambule de cet ouvrage.
En parallèle, la création d’Aroma-Zone, site de vente de produits cosmétiques naturels, a largement participé au développement de cette tendance. Lancé en 2000 par les membres de la famille Vausselin, ce site propose des huiles essentielles et végétales ainsi que toutes sortes d’ingrédients naturels et du matériel permettant de fabriquer des soins dans sa cuisine. Petit à petit, l’entreprise a diversifié ses activités. Elle a ouvert une boutique et un atelier à Paris. Le but : sensibiliser le grand public aux vertus des cosmétiques naturels. « Aider les personnes intéressées par cette activité à mettre un pied à l’étrier », précise Anne Vausselin.
Des "AZ addicts" sur la blogosphère
Aujourd’hui, la société réalise un chiffre d’affaires de près de 15,3 millions d’euros par an. Son site est visité par près de 400 000 personnes chaque mois. Et, grâce à son blog, elle a réussi à s’agréger tout un groupe de passionnées du fait maison. Sur le net, les AZ addicts échangent leurs impressions sur des forums (leretourdesazas.leforum.eu). Du côté de la blogosphère, quelques happy few, élues Fées Aroma-Zone testent les nouveautés en avant-première pour en parler sur leur page.
Ce qui se passe autour d’Aroma-Zone illustre parfaitement le dynamisme de la communauté des accros de la cosmétique maison. Le web regorge de sites et de blogs dédiés à cette activité. Les échanges sont multiples et les sites phares comptent des milliers de visiteurs. Chaque mois, 120 000 personnes s’inspirent des recettes et astuces postées par Julien Kaibeck sur son blog, L'essentiel de Julien. Apôtre de la « slow cosmétique », il prône un usage des produits de beauté plus mesuré, plus éthique et écologique. Dans cet esprit, il défend aussi bien le bio que le fait maison, sous réserve de simplicité des formules et d’achats comptés. Ses chroniques sur la télé belge et, depuis 2014, chaque lundi dans l'émission La Quotidienne de France 5, rencontrent un succès grandissant. Tout comme la cosmétique home made qui n’en finit pas de gagner des adeptes.
Aroma-Zone en chiffres
Un catalogue de près de 600 ingrédients :
200 huiles essentielles,
50 huiles végétales, 50 hydrolats,
50 extraits de plantes purs et concentrés,
mais aussi des beurres végétaux, des gels...
1 000 recettes de cosmétiques naturels à faire à la maison
15,3 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2012
20 millions d’euros prévus pour 2013
350 000 clients
1 300 colis expédiés par jour
400 000 visiteurs uniques par mois sur le site de la marque.