Les huiles oubliées
L’une de nos grandes disparues est l’huile d’œillette. Elle est issue des petites graines rondes d’une variété du pavot somnifère, l’œillette, que l’on cultivait autrefois en grand dans ce but. Pressée à froid, cette huile possède une saveur d’une finesse remarquable, rappelant la noisette. Jadis largement utilisée au nord de la Loire, elle était considérée comme l’une des meilleures de toutes les huiles. Son déclin est sans doute lié à la restriction légale de la culture du pavot, dont le latex produit l’opium, source depuis la nuit des temps d’autant de maux que de bienfaits pour l’humanité. L’huile d’œillette ne contient pourtant, pas plus que les graines, aucun des alcaloïdes toxiques du latex de pavot. Bien au contraire, cette belle huile jaune pâle est encore plus riche que l’huile de tournesol en acides gras polyinsaturés et possède donc une valeur médicinale certaine en cas d’hypercholestérolémie et de troubles circulatoires.
Quand les jours commençaient à raccourcir, on avait coutume d’envoyer les enfants à la récolte des faines. Ces petites graines triangulaires produites en abondance par les hêtres, qui forment le fond de nos forêts, fournissent par simple pression à froid une huile jaune clair à peu près inodore. L’huile de faine est douce et agréable et possède, elle, la rare et précieuse particularité de ne pas rancir. L’huile de faine servait également à l’éclairage et à la fabrication de savons. On estime qu’un hectare de forêt de hêtres peut produire environ 2 400 kg de faines, qui fourniraient par pression à froid près de 600 kg d’huile.
L’huile de lin est surtout connue pour la préparation de peintures et de vernis, mais son usage en diététique est maintenant bien établi. Attention cependant, l’huile de lin destinée à l’alimentation doit avoir été extraite avec soin [voir encadré]. Cette huile d’un beau jaune d’or, d’odeur fraîche et de saveur agréable, était traditionnelle en Europe de l’Est. Elle est assez visqueuse et contient des mucilages qui se déposent lentement. Elle doit être conservée au frais, car elle rancit rapidement.
L’huile de pépins de courge est une spécialité de la Styrie, dans le sud de l’Autriche. Extraite à froid des graines de citrouille ou de potiron, elle possède une couleur vert foncé et une consistance épaisse. Sa saveur prononcée en impose un emploi modéré. Ses vertus médicinales ne manquent pas : elle serait vermifuge, émolliente, reminéralisante et cicatrisante du tube digestif. Les graines de courge entières s’utilisent comme les noix ou les noisettes. Elles posséderaient une action favorable sur la prostate et leur consommation est recommandée aux hommes ayant atteint la cinquantaine.
L’huile de souchet est peut-être la plus extraordinaire de toutes, car elle ne provient pas de graines comme les autres huiles, mais des tubercules d’une plante herbacée, le souchet comestible. Cette huile excellente, de couleur jaune d’or et de saveur délicate, était connue des Égyptiens voilà plus de 4 000 ans. Ils l’estimaient autant, sinon plus, que l’huile d’olive. Les tubercules ont la taille et la saveur, en plus sucré, de la noisette. Un délice ! En Espagne, on prépare avec le souchet une boisson réputée, blanche comme du lait, connue sous le nom de horchata.
Qualité : l’importance de l’extraction Une huile de bonne qualité doit être pressée à froid et simplement filtrée, sans raffinage chimique. Mais presser les graines à chaud et utiliser un solvant synthétique permet au producteur d’augmenter le rendement. À part l’huile d’olive, c’est le cas de toutes les huiles courantes du commerce. Ce traitement présente l’inconvénient de dénaturer l’huile et de la rendre inconsommable : il faut ensuite éliminer les solvants, désodoriser et décolorer l’huile, la démucilaginer, puis la recolorer… En tout, quinze opérations ! Ce raffinage donne une huile insipide, ayant perdu certaines substances nutritives (vitamines, tocophérols…), qui n’a pas grand-chose à voir avec l’huile extraite des mêmes graines par pression à froid. Vos papilles devraient suffire à vous le dire… |