Été, hiver : un rythme de sommeil pour chaque saison
Originellement, nous ne sommes pas faits pour vivre de la même manière toutes les saisons. « Travailler autant l’hiver que l’été n’est pas physiologique, reconnaît le naturopathe Christian Brun, mais comme tant d’autres choses : vivre enfermé dans un bureau, boire de l’eau en bouteilles de plastique, s’alimenter de plats cuits. » S’il n’est pas question de remettre en cause l’intégralité des évolutions humaines dues à la civilisation, il est bon de se rappeler que nos rythmes naturels sont aussi saisonniers.
C’est ce que tente de décrire la médecine chinoise comme certains chronobiologistes qui étudient les saisons.
Le Dr Patrick Lemoine, docteur en neurosciences et auteur de « Dormir sans médicaments… ou presque » paru en novembre 2015 (éd. Robert Laffont), a étudié nos rythmes infradiens (ndlr : les rythmes circadiens sont ceux du jour et les rythmes infradiens se présentent à une fréquence inférieure, les battements cardiaques par exemple) et plus spécialement notre rythme saisonnier (ou circannuel) appliqué au sommeil. « Originellement, nous sommes faits pour vivre sous des latitudes équatoriales, au soleil et peu habillés, explique le psychiatre, notre espèce, Homo Sapiens, s’est construite en Afrique équatoriale dans la vallée de l’Omo, avant d’émigrer dans d’autres régions sur la terre, vers l’Europe et l’Asie. »
Faits pour vivre nus au soleil
Notre adaptation physiologique à des hivers moins lumineux et plus froids s’est faite progressivement depuis que l’homme a quitté l’Afrique et s’est répandu sur la planète, il y a plus de deux millions d’années. « Au début, les températures étaient équatoriales partout, puis il y a eu un refroidissement climatique. » L’homme aurait tenté de s’adapter comme il peut, ne disposant pas des atouts de l’espèce animale : hiberner comme la marmotte, migrer comme l’hirondelle ou développer une fourrure plus abondante comme le renard. Le feu, qui servait à cuire, est devenu le foyer qui réchauffe. Mais le Dr Patrick Lemoine a sa théorie sur la suite : « C’est à ce moment qu’est intervenu le partage des tâches avec la nécessité pour les femmes, enceintes ou allaitantes en automne, de se tenir au chaud pendant la saison froide, de réduire leur activité, de dormir plus et de manger davantage pour la survie de leurs bébés. »
La dépression saisonnière, un problème moderne
Avec la libéralisation du travail, cette « pseudo-hibernation » n’est plus d’actualité. Mais on trouve une trace de cette adaptation physiologique dans la dépression saisonnière qui affecte plus sévèrement les femmes. Cette affection n’a été décrite qu’en 1982. Elle concerne 4 femmes sur 5 et, dans une moindre mesure, aussi les hommes.
Pour le Dr Patrick Lemoine, il est donc nécessaire de s’adapter à nouveau à ce phénomène moderne. « En hiver, si vous êtes une femme, il y a de fortes chances que vous dormiez naturellement une heure de plus en moyenne, preniez un ou deux kilos et mangiez davantage de sucres. »
Les solutions sont lumineuses et chaudes
À moins de se payer le luxe d’hiberner, on peut donc, si on ne le fait naturellement, dormir une heure de plus en hiver, mais aussi recourir à la luminothérapie. Car cette « fausse dépression » de l’hiver, cette période d'a-nergie, comme l'appelle ce médecin, se traduit par la fatigue mais aussi une baisse de créativité. « Les personnes qui exercent des métiers créatifs s’en rendent compte. » À ses patients, Patrick Lemoine conseille de prendre leurs vacances plutôt en hiver : « Partez vous promener dans l’hémisphère sud, il n’y a rien de mieux et si vous ne pouvez pas investissez dans un appareil de luminothérapie. » Celui-ci doit délivrer plus de 10 000 lux à moins d’un mètre à raison d’une demi-heure à une heure par jour (notre sélection d'appareils ici). Enfin, la vitamine D est toujours d’actualité.
La vitamine D pour faire de vieux os
Une préoccupation moderne aussi, la vitamine D. « Et de vieux ! ironise Patrick Lemoine. Avant, lorsqu’on mourait à 30 ans, on se fichait bien de la vitamine D, du cancer et de toutes ces maladies qui nous terrorisent aujourd’hui. » La dose recommandée est de 25 microgrammes par jour en hiver, soit 5 gouttes de D3biane, par exemple. « Pas d’UV dose pour 3 mois, confirme le médecin, une prescription contre-productive qui dérègle l'organisme. »
Pour résumer, notre besoin de dormir plus en hiver est avéré et concerne davantage les femmes. « Il résulte d’un conflit entre une adaptation physiologique et une pression sociale. » Parler de rythme naturel, en réalité, ne suffit pas à décrire une réalité beaucoup plus complexe, y compris quand on parle de sommeil. À chacun de se situer sur cette échelle, entre nature originelle et culture moderne, et de faire ses choix en conséquence.
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