Des études garde-fous
La publication des résultats de l’étude menée à Caen sur les effets des OGM a été une véritable bombe médiatique, suivie en très peu de temps par une pluie de critiques. Une tempête de contre-arguments et de reproches…
Le premier : l’opération de communication faite autour de cette étude et le militantisme de son auteur. Est-ce une façon de refuser le débat ? Un chercheur, Dieu merci, a le droit d’avoir des opinions, pourvu que celles-ci ne remettent pas en cause l’honnêteté de son travail. On peut être militant ET chercheur. Et faire de la communication sur ses recherches.
Deuxième reproche : la fausse indépendance de ces travaux. Gilles-Éric Séralini est un farouche détracteur des OGM, c’est vrai. Son étude a été réalisée sous l’égide du CRIIGEN, un comité de recherche fondé par Corinne Lepage, tandis qu’apparaissent successivement dans le film qui a accompagné sa publication José Bové, Michèle Rivasi, les Faucheurs volontaires, le mouvement Independent WHO… On sourit. Mais de bon cœur. Car on sait bien qu’il n’y a jamais vraiment d’indépendance. L’histoire a montré à quel point il était difficile d’être « non-aligné », et que les « troisièmes voies » étaient rarement plus vertueuses que les deux premières…
Troisième reproche : Séralini a barré la route à toute contre-expertise avant publication de ses résultats ; il a tenu ses conclusions sous embargo auprès des journalistes. Bien évidemment puisque l’étude était secrète ! Aurait-elle jamais vu le jour si le professeur avait accepté de se faire bâillonner avant même d’avoir pu parler de son expérience ? Surtout, qui empêche maintenant d’autres experts et scientifiques de jeter un œil à ces travaux ? Leur objectif était de réveiller les autorités et les consciences. Voilà qui est fait. Certes, l’étude est critiquable. D’autres n’ont qu’à la refaire !
Une semaine plus tôt sortait le « Guide des 4 000 médicaments, utiles, inutiles ou dangereux », de Philippe Even et Bernard Debré. Affirmer que « 50 % sont inutiles » leur a valu à peu près les mêmes reproches : mise en scène hollywoodienne, manque de crédibilité, documentation insuffisante… A contrario et à notre grand étonnement, l’étude comparative sur le bio et le conventionnel des Annals of Internal Medicine sortie encore un peu plus tôt n’a fait l’objet d’aucune de ces critiques. Ses résultats ont pourtant été communiqués d’une drôle de façon… puisque les médias n’en ont repris que la partie à charge pour le bio ! L’étude faisait (aussi) état de produits bio plus riches en oméga 3, en polyphénols… et 30 % moins contaminés par les pesticides.
Dans ce genre de batailles d’idées, le meilleur rempart contre la récupération et le dénigrement reste de revenir au bon sens. On le voit, la guerre des chiffres a ses limites et laisse place à l’argumentation stérile. Qui, ayant vu de ses propres yeux les dégâts causés par la radiation nucléaire, ne serait-ce que sur un seul enfant ou un seul animal, attendrait d’avoir sous les yeux des études chiffrées pour penser qu’une extrême prudence est de mise ? De même, qui, ayant pris pendant des années des médicaments inefficaces pour finalement gagner un ulcère de l’estomac, attendrait de lire des rapports officiels pour se tourner vers les remèdes inoffensifs de la nature ? Qui peut, maintenant, proclamer en restant honnête, après avoir vu les rats pleins de tumeurs de Gilles-Éric Séralini, que les OGM sont un progrès ?
Ces études ne nous ont rien appris qu’on ne savait vraiment : les OGM sont mauvais, les médicaments sont prescrits à outrance (chez Santé Port-Royal, cela fait quinze ans qu’on le dit) et le bio n’est pas une panacée. Le bio est un engagement, un vote par caddie interposé contre la malbouffe mondiale, une espérance qu’on peut revenir en arrière, et enfin, en matière de santé, un mieux et pas un absolu. Ses bénéfices ne sont pas plus visibles à court terme que les maléfices des OGM… C’est une question de longueur de vue sur l’avenir.