Eau potable : pour qui est l’addition ?
Fin novembre, la Lyonnaise des eaux et le Groupement des agriculteurs biologiques d’Île-de-France (GAB IdF) ont signé une convention de partenariat de cinq ans afin de développer l’agriculture biologique dans onze communes des Yvelines. À travers des formations, une animation du territoire, un accompagnement des agriculteurs souhaitant se convertir, la mise en place de filtres à charbon actif à la sortie des forages et, bien sûr, des subventions.
Les arguments sont flatteurs : l’agriculture biologique est un atout pour préserver la qualité de l’eau. Le dossier de presse que nous avons eu sous les yeux cite même des études scientifiques et des expériences menées à l’étranger qui le prouvent, s’il en était besoin : « Les résultats sur la qualité de l’eau sont visibles ! » Quant à l’objet même, le fait qu’un acteur privé du secteur de l’eau s’engage à favoriser les conversions, même sur un territoire restreint (10 000 hectares, dont 3 225 déjà convertis), est une première. Aussi nous sommes-nous réjouis : pour une fois, on prend le problème de la pollution alimentaire à la source, l’eau. Pour une fois aussi, le bio est attendu par d’autres que ses défenseurs d’origine. On a besoin de lui ! On compte sur lui pour assainir l’eau potable (qui, alors, n’est pas si saine qu’on nous le répète). Enfin, ces nappes phréatiques, une fois assainies grâce à l’agriculture bio et aux deniers d’acteurs privés, vont mettre une eau nouvelle au moulin des bio-sceptiques toujours prêts à lancer que le bio n’est pas vraiment bio puisque le champ d’à côté et la terre d’en dessous ne le sont pas.
Alors, vive la Lyonnaise des eaux ? C’est plus complexe : en termes d’affichage, l’engagement est bien là. Mais pas en termes financiers supplémentaires. La majorité des investissements cités plus haut sont en effet portés par l’Agence de l’eau Seine-Normandie (pour la potabilisation de l’eau) et le conseil régional (pour les aides aux agriculteurs en conversion). La Lyonnaise des eaux fournit de son côté un mi-temps pour assurer « l’animation » de ce territoire. Soit, pour cette entreprise au chiffre d’affaires de deux milliards d’euros, 30 000 €. Une goutte d’eau dans l’océan. Une pièce d’un centime jetée dans la casquette des agriculteurs de bonne volonté. Même pas l’obole de la veuve : ce don représenterait environ 0,025 % du résultat de la filiale de Suez. Le reste, aussi bénéfique soit-il, continue donc de peser sur les impôts des Franciliens. Consommateurs de bio ou non.
Les plus optimistes d’entre nous verront donc dans ce projet un début, un encouragement, une première pierre à l’édifice. On peut saluer comme le GAB IdF la naissance d’une « dynamique locale » et d’un « vrai dialogue entre les partenaires ». « Toute parole allant vers la démonstration qu’il va falloir développer le bio pour assainir l’eau est un pas en avant », applaudit le groupement. Avec lui, on espère en effet que cet exemple pourra ouvrir la porte à d’autres projets du même type, dans d’autres territoires et peut-être dans des régions couvertes par d’autres distributeurs d’eau. Veolia, SAUR…
Mais on attendra pour pousser des cris de joie. Que par exemple, la Lyonnaise des eaux ou tout autre opérateur privé, décide de participer moins symboliquement aux aides versées aux agriculteurs en conversion – avec pour effet de réduire la participation des collectivités locales et ainsi le coût qui pèse sur le consommateur-contribuable. Voilà qui aurait été un juste retour des choses pour les agriculteurs qui, justement, ne veulent plus polluer. Pour les autres, le message qui se lit à travers le projet (qu’on encourage malgré tout) est toujours le même : si l’eau que nous buvons est polluée, c’est de votre faute, merci de changer ! Alors, qui paye ?