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Abeilles en détresse, les apiculteurs ont le bourdon

Abeilles en détresse, les apiculteurs ont le bourdon

2014 est la pire année de toute l’histoire de l’apiculture française. « Seulement 10 000 tonnes ont été récoltées, contre plus de 33 000 en 1995 », indique Henri Clément, porte-parole de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf). Certes, la météo n’a pas été favorable. Mais là n’est pas la cause principale. « La surmortalité des colonies atteint désormais 30 %, contre seulement 5 % en 1995. Cela représente 300 000 ruches perdues, soit 1,2 million d’abeilles en moins. Sans nous, les abeilles auraient déjà disparu du territoire!», se désole l’apiculteur.

Traditionnellement, les colonies diminuent de 5 à 10% à la sortie de l’hiver. Depuis les années deux mille, les États-Unis et l’Europe enregistrent des niveaux anormalement élevés de perte, dépassant parfois les 80 %. Un phénomène baptisé « syndrome d’effondrement des colonies ». De ce côté-ci de l’Atlantique, il a été mesuré par le programme Epilobee, publié en avril 2014 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire (Anses). Résultats : les pays du nord sont les plus touchés. Avec un taux de mortalité de 42,5 %, la Belgique arrive en tête, suivie par le Royaume-Uni (38,5 %), la Suède (31,1 %), la Finlande (29,8 %) et la France (27,7 %). Mais, en ne s’intéressant qu’aux agents pathogènes et aux parasites parmi les causes possibles de ce syndrome, tels que le varroa, un acarien, ou le nosema, un champignon microscopique, le rapport de l’Anses a fait l’objet de vives critiques... Pas un mot en effet sur les pesticides.

Quatre pesticides suspendus

Leur responsabilité ne fait pourtant aucun doute pour les apiculteurs. Ils accusent en particulier les néonicotinoïdes, qui enrobent la graine et diffusent leur substance dans l’ensemble de la plante, y compris les fleurs. En 2012, grâce à des micropuces RFID collées sur 650 abeilles, des scientifiques français ont démontré que le thiaméthoxame désorientait les butineuses, entraînant la mort de 25% à 50% d’entre elles. Publiée le 29 mars 2012 dans la revue Science, leur étude a conduit dans la foulée à l’interdiction du Cruiser en France. La Commission européenne a suivi en décembre 2013 en suspendant, pour deux ans, quatre molécules pour le traitement du maïs,du colza, du tournesol, du coton et des céréales à pailles (clothianidine, imidaclopride, thiaméthoxame, fipronil), commercialisés sous les noms de Gaucho, Cruiser, Poncho, Nuprid, Argento et Regent.

« C’est une avancée, mais cela reste insuffisant, regrette Henri Clément. Cette interdiction ne concerne ni le blé, ni les betteraves. En outre, ces molécules ont une durée de vie dans le sol supérieure à deux ans. Il faut donc impérativement que cette mesure soit prolongée au-delà de 2015 et qu’elle s’étende à toutes les cultures.» Le porte-parole de l’Unaf déplore aussi que l’effet cocktail des substances ne soit pas pris en compte. « Herbicides, insecticides, fongicides... Des recherches ont montré des résidus de 60, voire 80 molécules chimiques différentes dans les plantes.»

Des robots pollinisateurs

Les apiculteurs tirent la sonnette d’alarme, mais c’est tout l’environnement qui fait les frais de ces traitements phytosanitaires. Papillons, pollinisateurs sauvages, vers de terre, oiseaux, poissons... Les espèces affectées sont nombreuses. Sans parler de la qualité des eaux ! « Abeilles, sentinelles de l’environnement » est ainsi le nom du programme mené depuis 2005 par l’Unaf pour sensibiliser le grand public à cette question (www.abeillesentinelle.net). Outre le varroa et les pesticides, c’est aussi le frelon asiatique et le manque de biodiversité qui concourent au syndrome d’effondrement des colonies. Les conséquences pourraient être dramatiques. Selon l’INRA, 84 % des espèces cultivées en Europe dépendent des pollinisateurs, qui sont à plus de 90 % des abeilles. En Chine, dans le Sichuan, la pollinisation des vergers se fait déjà à la main ! Des chercheurs de l’Université Harvard (États- Unis) travaillent quant à eux au projet Robobee, qui vise à mettre au point des abeilles robotisées capables de polliniser les plantes...

Face à ce triste constat, que faire ? « À titre individuel, abandonner les pesticides et cultiver des plantes mellifères, comme le romarin, le thym ou la lavande. À titre collectif, faire pression pour que la suspension européenne des néonicotinoïdes soit non seulement maintenue, mais élargie », indique le porte-parole de l’Unaf. Au rayon des bonnes nouvelles, les députés français pourraient avancer à 2016 la date d’entrée en vigueur de l’interdiction des pesticides dans les espaces gérés par les collectivités, initialement prévue en 2020. De même, l’arrêt des épandages aériens serait programmé d’ici à fin 2015. Les abeilles en bourdonneraient sûrement de plaisir.

 

Tendance

Faut-il adopter une ruche ?

Méfiance. C’est la réaction de l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf) face à tous les mouvements qui font leur miel des menaces planant sur les abeilles. Pétitions recueillant des coordonnées revendues à prix d’or, adoption d’une ruche proposée par des sociétés sans lien avec le monde apicole, avec risque de ne jamais rien recevoir... L’Unaf conseille plutôt de passer par des structures reconnues, comme le syndicat apicole de Lozère, qui propose de parrainer une ruche en échange de pots de miel à votre nom.

 

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