Des semences toujours moins libres

PUBLIÉ LE 28 septembre 2016
 

SEMENCES. Promulguée le 8 août 2016, la loi pour la reconquête de la biodiversité limite doublement l'échange des semences appartenant  au domaine public : non contente d'en interdire la vente, elle impose à leurs distributeurs, et ce, bien que ces semences soient destinées à une utilisation non-professionnelle, exactement les mêmes contraintes sanitaires qu'aux industriels semenciers ! 

La loi initiale, parue le 20 juillet 2016, autorisait les associations loi 1901 à vendre, aux jardiniers amateurs, des semences appartenant au domaine public et non inscrites au Catalogue officiel national des semences, sous réserve que ces dernières respectent les règles sanitaires du code rural. Les agriculteurs étaient pour leur part simplement autorisés à les donner. L'article n'a pas plu aux Républicains, qui ont saisi aussitôt  le Conseil constitutionnel. Ce dernier a révisé l'article, interdisant désormais à tous la vente de ces semences pourtant « libres ».

Nivellement par le bas

« Évidemment, ce n'était pas constitutionnel de permettre aux associations de commercialiser ce que les agriculeurs ne pouvaient pas », reconnaît Ananda Guillet, directeur de Kokopelli. « La vraie révolution aurait été de l'autoriser pour tous les acteurs : pour les paysans, pour les maraîchers et pour n'importe qui ! » poursuit-t-il.

Si la distribution gratuite reste autorisée, elle est désormais limitée, toujours au nom du principe d'égalité inscrit dans la constitution, puisque les échanges de semences sont désormais tous soumis aux mêmes obligations de contrôle et d'analyses sanitaires que les semences industrielles. « Ces contrôles sont certes indispensables pour les productions industrielles, mais totalement inapplicables par l'immense majorité des jardiniers amateurs », s'indigne Guy Kastler, le responsable semences et OGM à la Confédération paysanne. 
Chez Kokopelli, on ne s'inquiète pas : « Cela fait vingt ans qu'on travaille illégalement et on continuera à le faire ! » affirme Ananda Guillet, tout en rappelant que « l'association, connue sur toute la Planète pour son travail dans la préservation de la biodiversité, est inattaquable ». Il n'en est malheureusement pas de même pour d'autres petits acteurs qui n'ont pas pas la même structure.

Une loi inapplicable

Ceci dit, qu'ils se rassurent : d'une part, comme le rappelle le Réseau Semences paysannes, cette loi est inapplicable sur le terrain ; de l'autre, elle entre en contradiction avec le règlement européen sur la santé des végétaux, dont l'adoption est actuellement en projet, et qui stipule que « le matériel de reproduction des végétaux échangé en nature entre deux personnes autres que des opérateurs professionnels est exclu du champ d’application du règlement ». Une fois n'est pas coutume, la réglementation européenne imposerait donc à la France de plier... dans le bon sens !  

(Photo ©Istock/ Filippo Bacci)

Clara Delpas

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